Nous publions cet article dans le cadre d’une série de textes sur les liens entre Guimard et les États-Unis inaugurée en début d’année[1]. Nous verrons qu’ici le lien est indirect et le fruit du hasard mais il permet surtout d’évoquer cette réalisation de Guimard restée discrète et sa place au sein de son œuvre.
Nos lectrices et lecteurs attentifs se souviennent peut-être de la première fois où nous avons évoqué l’existence de cette réalisation inédite de Guimard. C’était en 2013 à l’occasion d’une vente parisienne dans laquelle deux chaises, dont nous soupçonnions qu’elles avaient fait partie de l’ameublement de ce salon de thé, étaient proposées aux enchères (https://www.lecercleguimard.fr/fr/objets-guimard-ou-non-a-la-vente-sothebys-du-16-fevrier-2013/).
En effet, ce modèle ne nous était pas totalement inconnu puisque deux chaises équivalentes étaient déjà passées en vente en 1989. Une comparaison minutieuse des deux paires nous apprenait qu’il s’agissait en fait des mêmes meubles qui avaient fait l’objet d’une restauration.
La notice du catalogue de 1989 acquis peu de temps auparavant[2] nous donnait déjà plusieurs informations. En plus d’une photo et des caractéristiques des deux chaises, alors dans un état moyen (résultat d’un séjour prolongé dans le grenier familial), elle précisait la provenance des meubles bien qu’une faute d’orthographe malheureuse nous ait induite en erreur quelque temps[3].
Grâce aux archives commerciales parisiennes puis à la découverte d’une mention sur un dessin du fonds Guimard, enfin à l’étude du monogramme figurant sur le dossier des chaises[4], nous avions réussi à établir le lien avec les époux Lecante, propriétaires d’un commerce entre 1898 et 1927 qui a bénéficié à l’époque d’une certaine notoriété : la maison Doret, une pâtisserie située 17 rue de Rome à Paris (75008).
Notre curiosité étant quelque peu aiguisée, nous avons mis à profit ces dernières années pour tenter d’en apprendre un peu plus sur cette mystérieuse réalisation de Guimard passée totalement inaperçue au sein de la littérature consacrée à Guimard au cours de ces dernières décennies. Un article de presse relatant l’inauguration de « la Maison de Thé moderne de Lecante » permettait d’en préciser la date puis la découverte de l’identité du propriétaire de l’immeuble de la pâtisserie d’établir le lien direct avec Guimard. Enfin, des recherches généalogiques récentes nous ont mis en relation avec les descendants des époux Lecante. Nous en profitons pour remercier chaleureusement les familles Pi, de Ricou, Sassot et Serra pour leur accueil et leur bienveillance, en particulier Mme Françoise Pi, la mémoire de la famille, dont les souvenirs précieux nous ont aidés dans notre compréhension de l’histoire et du contexte familial[5].
D’une manière générale, les difficultés rencontrées pour trouver des informations sur le salon de thé Lecante tiennent à la quasi-absence de documents ni même de mentions au sein des différents fonds Guimard conservés en France et à l’étranger mais aussi dans les archives familiales qui ont disparu en grande partie au gré des évènements du siècle dernier. À notre connaissance, la seule évocation par Guimard de cette réalisation se trouve dans un document résumant sa carrière qu’il a rédigé en 1925 pour Henri Clouzot, conservateur du musée Galliera. Il y mentionne des « salons de thé » au chapitre des décors d’intérieurs et ameublements[6]. Cette paire de chaises reste donc à ce jour le seul mobilier connu provenant du salon de thé Lecante.
Même si les informations sur cette œuvre demeurent lacunaires — notamment d’un point de vue iconographique – la présentation d’une des deux chaises au sein de l’exposition sur Guimard qui se tiendra à Chicago à partir du 22 juin prochain (après celle de New York qui se termine[7]) nous a incités à publier nos recherches.
La maison Doret, une pâtisserie familiale
Le 21 avril 1898, le couple formé d’André (Albert) Lecante (1853-1912) et (Marie) Berthe née Robert (1859-1944) rachetait le fonds de commerce occupé par une pâtisserie, la maison Doret, situé 17 rue de Rome[8]. Cette profession ne leur était pas inconnue puisqu’ils tenaient précédemment (depuis 1886) une autre pâtisserie située à Nogent-sur-Marne[9] dont la spécialité était le Valdaï, un gâteau russe.
Si le quartier dans lequel ils venaient de s’installer présentait en cette fin du XIXème siècle à peu près la même physionomie qu’aujourd’hui, la fin des transformations principales était récente. Entre 1837 et 1889, le secteur n’avait cessé de se structurer au rythme du prolongement et des agrandissements de son élément principal, la gare Saint-Lazare, qui avait vu sa fréquentation augmenter de manière exponentielle avec le développement des lignes de fer vers l’Ouest parisien et la Normandie[10].
Suivant le mouvement, l’ouverture de la rue de Rome s’est faite progressivement : la section comprise entre la rue Saint-Lazare et le boulevard des Batignolles a été ouverte en 1850, celle comprise entre le boulevard Haussmann et la rue Saint-Lazare date de 1868. La construction du bâtiment haussmannien dont le rez-de-chaussée était occupé par la maison Doret remonte à cette époque.
Avant son rachat par les époux Lecante en 1898, un commerce de pâtisserie existait déjà à cet emplacement puisqu’un certain Bonnard spécialisé dans les tartes de Linz (ou Linzer-Tartes) — une spécialité viennoise aux framboises ou à l’abricot[11] — y était établi au début des années 1870. C’est au moment de son rachat le 03 octobre 1875[12] par Henry Doret (1829-1897) que la pâtisserie prendra définitivement son nom. En 1884, Henry Doret cédait la pâtisserie à son fils Célestin[13] qui lui-même s’en séparait en 1898 au profit d’Albert et Berthe Lecante. Ceux-ci avaient donc bien compris le potentiel représenté par un tel emplacement, idéalement situé en face de la gare Saint-Lazare.
Sur les menus de l’époque parvenus jusqu’à nous, on y retrouve les tartes de Linz qui ont fait la renommée de l’établissement mais aussi les spécialités du couple Lecante comme le Valdaï russe ainsi que toutes les recettes qu’une pâtisserie de cette époque se doit de proposer à sa clientèle[14].
L’intervention de Guimard
Entre la fin du XIXème siècle et le milieu des années 1900, la maison Doret a connu une période prospère. Entre-temps les époux Lecante ont marié leurs deux filles — Louise en 1901[15] puis Henriette en 1904 qui s’est uni avec Charles Bricard[16], un chef d’entreprise à la tête d’une affaire de vitrauphanie florissante — mais ils se sentaient à l’étroit dans leur commerce de la rue de Rome essentiellement constitué d’un espace de vente à emporter.
Cherchant à s’agrandir afin de donner un nouvel élan à leur affaire, ils souhaitaient offrir à leur clientèle et aux voyageurs de la gare Saint-Lazare un nouvel espace de dégustation tout en se démarquant de la concurrence nombreuse dans le quartier.
Une telle opération ne pouvait se faire qu’avec une modification du bail commercial et donc l’accord de la propriétaire de l’immeuble. Or celle-ci n’était autre que Mme Grivellé[17]… Les spécialistes de Guimard connaissent bien Appolonie Grivellé (1838-1933) [18] parfois considérée comme sa marraine. Elle a joué un rôle central dans la vie et la carrière de l’architecte tant à ses débuts en lui offrant ses premières commandes que par la suite – l’exemple de la maison Doret en est une nouvelle démonstration — alors même que Guimard était déjà bien installé professionnellement. Il apparait évident que c’est grâce à l’entremise d’Appolonie Grivellé que les époux Lecante ont fait appel à l’architecte dont ils ne pouvaient ignorer par ailleurs qu’il était l’auteur des accès de métro situés à quelques pas de leur boutique.
À la faveur d’une modification du bail intervenu le 31 mai 1905, le couple Lecante a donc obtenu la jouissance de plusieurs nouveaux locaux comprenant un appartement à l’entresol, un autre au 5ème étage, qui deviendra l’appartement familial, et six chambres de domestiques au 6ème étage où seront logés une partie du personnel. Enfin le bail va leur donner les moyens de réaliser leur projet d’agrandissement en les autorisant à créer un accès entre la boutique et l’appartement de l’entresol et à y installer une maison de thé[19].
C’est donc dans cet espace situé juste au-dessus de la boutique, qu’Albert et Berthe Lecante ont décidé d’aménager leur salon de thé et de faire appel à Guimard pour le décorer et le meubler. Celui-ci s’est exécuté de bonne grâce d’autant que les aménagements commerciaux de ce type étaient rares jusqu’à présent dans son parcours professionnel[20]. Peut-être avait-il aussi une revanche à prendre sur un projet similaire, le salon de thé Melrose, probablement jamais réalisé et qui aurait dû prendre place à quelques rues de la maison Doret[21]. Pour Guimard il s’agissait donc d’honorer une commande inédite rejoignant (ou devançant) certains de ses confrères dans cet exercice dont les grandes villes européennes étaient friandes à l’époque.
Depuis le milieu des années 1890 la mode s’était emparée de ces lieux de convivialité et de représentation qu’étaient les cafés, les restaurants ou encore les fumoirs. Création plus récente, le salon de thé – parfois appelé tea room ou five o’clock par anglomanie — n’échappait pas à la règle. Il occupait d’ailleurs un genre à part entière, distinct du café et du restaurant. Devenu un lieu de rendez-vous élégant et de bonne compagnie, on y consommait entre ami(e)s aussi bien des boissons que des spécialités salées ou sucrées. De plus, de façon avouée ou non, les salons de thé luttaient contre la propagation de l’alcoolisme dont on accusait alors les cafés, les bars et les brasseries.
Dans le style moderne, la série des tea rooms de Mrs Cranston décorés par Charles R. Mackintosh à Glasgow figuraient parmi les plus célèbres en Europe mais Paris présentait quelques aménagements intéressants comme le salon de thé de la maison Potin.
La province n’était pas en reste et dans la ville où l’art décoratif moderne s’était le mieux développé, le tea room des Magasins Réunis à Nancy aménagé par Louis Majorelle était l’un des plus raffinés.
Au milieu de cette année 1905, cette commande est arrivée à point nommé pour Guimard au moment où il terminait l’un de ses chefs d’œuvre, l’hôtel Nozal. Le gros œuvre était achevé et même si une partie de la décoration intérieure de cet hôtel particulier devait se poursuivre pendant encore un an, son achèvement a certainement allégé l’emploi du temps de l’architecte. C’est d’ailleurs sans surprise que la seule mention se référant à ce projet dans le fonds Guimard à Orsay se situe au dos d’un dessin se rapportant à l’hôtel Nozal[22].
Quelques mots écrits à la hâte : « Lecoeur – profilé table à thé – Lecante » nous renseignent doublement. Tout d’abord sur le type d’ameublement (assez logiquement des tables à thé accompagnaient les chaises) mais aussi sur la société à laquelle Guimard a fait appel pour réaliser au moins une partie du mobilier du salon de thé, l’entreprise Le Cœur et Cie[23]. Cette menuiserie était capable d’effectuer à la fois les travaux les plus considérables comme des travaux artistiques de premier plan. La maison Le Cœur qui s’est très tôt qualifiée de « Menuisier d’Art » s’était attirée les faveurs des architectes et décorateurs les plus en vue de l’époque qui lui commandaient des travaux sur mesure[24]. Cette société avait déjà travaillé pour Guimard à plusieurs reprises depuis Le Castel Béranger dont elle avait réalisé les menuiseries[25]. Lui qui se qualifiait volontiers d’« Architecte d’Art », il avait trouvé chez ce menuisier la possibilité de sous-traiter ponctuellement la fabrication en petites séries de meubles de qualité que ses ateliers de l’avenue Perrichont — non dimensionnés pour ce type de commandes — ne lui permettaient pas de réaliser.
Pour le dessin des chaises, Guimard, peut-être pressé par les délais et probablement aussi par souci d’économie s’est inspiré, en le simplifiant, d’un modèle exposé l’année précédente au Salon d’automne de 1904. Les sculptures bourgeonnantes qui ornaient deux des montants du dossier ont ainsi disparu, remplacées par de fines rainures qui accompagnent les courbes élégantes du dossier. Seules les extrémités latérales du médaillon accueillant le monogramme ont conservé une sculpture figurant une fleur stylisée libérant des grains de pollen. Sans surprise Guimard a utilisé un de ses bois favoris, le poirier, dont le grain serré se prêtait admirablement à l’expression du style qui portait désormais son nom.
Le salon de thé Lecante a ouvert ses portes en fin d’année 1905. Au mois de décembre, la revue La Critique s’est faite l’écho de l’inauguration, dans une ambiance très mondaine, de la « Maison de Thé Moderne de Lecante » dans un bel article qui donne une idée relativement précise des aménagements réalisés par Guimard provoquant d’autant plus une certaine frustration en l’absence de photos parvenues jusqu’à nous… La Critique ayant soutenu Guimard dès ses débuts[26], nous ne sommes pas surpris du ton particulièrement flatteur employé dans l’article et de retrouver la garde rapprochée de l’architecte parmi les invités : Stanislas Ferrand, directeur du journal Le Bâtiment, G. Beauregard, député de Paris, Georges Bans, directeur de La Critique et bien sûr fidèle parmi les fidèles, le poète Alcanter de Brahm, chargé de prononcer quelques paroles.
Nous retranscrivons ci-dessous les meilleurs passages de cet article intitulé « Le Style Guimard » en respectant la ponctuation, l’orthographe et la casse du texte d’origine.
« Nous avons eu le plaisir de trouver l’une des meilleures applications de la méthode artistique de notre maitre architecte Hector Guimard, près de la Gare Saint Lazare, à la pâtisserie Doret, 17, rue de Rome. Des salons de Thé ont été aménagés avec tout le luxe et le confort modernes. Des ors, des glaces et des cristaux lumineux encadrent des meubles dessinés avec art et exécutés comme pour un musée.
(…) A l’inauguration, après les allocutions très chaleureuses (…) auxquelles a répondu avec une cordiale émotion M. Hector Guimard, M. Alcanter de Brahm, au nom de la critique d’avant-garde qui fut la première à discerner le sens novateur de l’esthétique du brillant architecte d’art, a prononcé quelques paroles dont voici la substance :
C’est un sentiment de courtoisie que vous trouverez bien naturel à l’égard de notre cher Hector Guimard, qu’au nom des premiers amis de ses heures de lutte résolue contre les préjugés scolaires de l’architecture classique, je me présente ici, modeste interprète de la jeune génération de la Critique de saluer d’un ton cordial notre cher amphitryon.
Car cet hommage, qui est en même temps une marque de reconnaissance et d’admiration, coïncide avec un nouveau triomphe. Au cœur de Paris dont il avait déjà su égayer la monochromie des gares par la sveltesse de ses lignes élégantes et vives, voici la Maison de Thé moderne de Lecante, installée avec tout le charme désirable, avec, jusqu’aux plus habituels objets mobiliers, chaises, tapis, vases, et jusqu’aux girandoles, d’où jaillit, miraculeuse, la lumière étincelante, le tout révélateur d’un art exquis et non plus renouvelé d’autrefois, mais créé pour la magie inépuisable d’un artiste sincère et véritable.
Après le Castel Béranger, la maison Boileau, l’hôtel Nozal, le véritable palais de l’avenue de Versailles, après cent autres trouvances, qui, si elles ne permettent pas à la présomption (…) de la qualifier « nouveau style ou modern style » affirment délibérément leur raison de s’appeler « style Guimard ». Voici la Maison de Thé, rendez-vous assuré du bon ton et de l’élégance parisienne.
(…) C’est le triomphe après cette bataille livrée contre la banalité traditionnelle, que nous sommes fiers de célébrer, en levant notre verre à la gloire et aux succès actuels et futurs de notre cher Guimard ».
A partir de 1905, la mention « salons de goûter » a fait son apparition sur les menus pour mettre en avant la nouveauté. « Lecante Successeur » continue à s’afficher en grosses lettres en travers du menu aux côtés d’un petit « Ancienne Maison Doret ». Cette dernière appellation ne disparaitra d’ailleurs jamais complétement puisque plusieurs offres d’emploi publiées autour de 1910 reprennent la raison sociale d’origine.
Si l’intervention de Guimard s’est probablement cantonnée aux salons de thé de l’entresol et n’a pas concerné la boutique du rez-de-chaussée, nous pensons qu’il est peut-être à l’origine des ajouts sur la devanture qui apparaissent à partir de cette époque. Sur une photographie prise durant les inondations de 1910, la pâtisserie semble habillée d’une structure.
Plusieurs poteaux, probablement en bois, s’élèvent de la base de la devanture et viennent supporter les jardinières fleuries de l’entresol pour souligner la présence nouvelle du salon de thé au-dessus de la pâtisserie.
André Lecante est décédé le 19 janvier 1912 laissant son épouse seule à la tête de la maison Doret et face à un voisin de plus en plus envahissant, la Pharmacie de Rome A. Bailly, qui ne cessait de s’agrandir et lorgnait sur cette enclave commerciale qui lui échappait. C’était sans compter avec le caractère bien affirmé de Berthe peu disposée à se séparer de la boutique.
Pendant encore une quinzaine d’années, elle a dirigé la Maison Doret entretenant des relations parfois tumultueuses avec son encombrant voisin[27].
Au milieu des années 1920, elle a délégué la gérance au couple Tiphaine-Peyta avant de lui céder définitivement le fonds de commerce (et pour un très bon prix) le 16 mai 1927[28].
Enfin une petite annonce datée du 12 juin 1927 est venue mettre un terme définitif à cette aventure. Quelques mots informaient l’acheteur potentiel de la vente de l’ensemble du « Matériel pâtisserie, articles confiserie, mobilier magasin, salon de thé, placards, etc. – 17 rue de Rome » [29]. S’il restait encore du mobilier de Guimard à cette époque, il est probable que cette vente a fini de le disperser…
Heureusement, la paire de chaises parvenue jusqu’à nous avait été conservée par la famille grâce à la volonté d’un homme. L’architecte Georges Bovet (1903-1980), père des descendants actuels, connu pour ses réalisations plus modernistes[30] qu’Art nouveau ne pouvait cependant pas ignorer qui était Guimard, lui qui installera son agence au début des années 1960, 21 avenue Perrichont (Paris 16è) à deux pas des anciens ateliers de l’architecte… Bien conscient de la valeur de ces deux meubles, il avait insisté pour qu’ils soient gardés par la famille.
De la décoration fixe imaginée par Guimard pour le salon de thé Lecante, il ne reste plus rien aujourd’hui. Les plans d’origine n’ont pas été retrouvés et le bâtiment a subi de lourdes transformations intérieures à la suite des agrandissements de la Pharmacie A. Bailly qui a progressivement racheté tout l’immeuble.
Seule la consultation du dossier de permis de construire de 1968 permet d’accéder à des plans complets et de se faire une idée approximative de la configuration des lieux. L’entresol du 17 rue de Rome fait apparaitre un espace encore bien délimité d’une soixantaine de m² qui semble correspondre à l’appartement d’origine occupé par le salon de thé. L’escalier entre la boutique du rez-de-chaussée et le salon de thé de l’entresol est toujours en place et la disposition des lieux laisse penser que trois petits salons ont pu être aménagés par Guimard.
Au cours de nos échanges avec les descendants de la famille, une question revient souvent : qu’est-il advenu de tout le reste[31] ? L’aménagement de trois salons de thé suppose un ameublement conséquent. Où sont donc passés les autres chaises, les tables à thé, les tapis, les vases ou encore les girandoles décrits par Alcanter de Brahm en 1905 ? Nos recherches dans la base du mobilier Guimard en cours de constitution ne nous ont pas encore permis de rattacher d’autres meubles ou objets avec certitude à cette réalisation tout comme nos tentatives pour en trouver des photographies.
Pourtant, bien que relativement modeste, le caractère unique de cette réalisation au sein du corpus des œuvres de Guimard, sa place à une période charnière de sa carrière qui voit son style s’assagir et s’affiner, à une période où il maitrise la quasi-totalité des champs d’application des arts décoratifs, font de l’étude du salon de thé Lecante un sujet particulièrement intéressant.
A l’instar de nos précédents dossiers, nous espérons que la publication de cette étude permettra d’améliorer les connaissances sur cette œuvre et lançons donc un appel en ce sens à nos lectrices et à nos lecteurs qui accepteraient de partager de nouvelles informations. Nous poursuivons les recherches de notre côté et ne manquerons pas de vous tenir informés.
Olivier PONS
[1] Voir l’article de Marie-Claude Paris et Olivier Pons « Le premier voyage de Guimard aux États-Unis – New York 1912 », Le Cercle Guimard, février 2023.
[2] Lot 89 de la vente aux enchères Binoche-Godeau le 20/03/1989 à Paris.
[3] La mention sur la provenance est rédigée de la manière suivante : « Provenance : Maison Dore à Paris ».
[4] Le monogramme est composé des trois lettres STL entrelacées pour « Salon de Thé Lecante ».
[5] Nous remercions vivement M. Edouard Derville pour ses précieuses recherches généalogiques ainsi que Laurent Sully Jaulmes, la galerie Robert Zehil, la galerie Macklowe et Sotheby’s pour les photos des chaises.
[6] Feuillet composé de cinq pages dont quatre manuscrites, 1925. Coll. auteur.
[7] Cette exposition se tient au Cooper Hewitt, Smithsonian Design Museum de New York jusqu’au 21 mai 2023, puis du 22 juin 2023 au 7 janvier 2024 à Chicago au (Richard H.) Driehaus Museum.
[8] Archives commerciales de la France du 23 avril 1898.
[9] Archives commerciales de la France du 20 mars 1886 : la pâtisserie de Nogent-sur-Marne située 98 Grande-Rue (aujourd’hui Charles de Gaulle) avait été rachetée à un certain Roux le 2 mars 1886.
[10] Une gare provisoire est construite en 1837 suivie dans les années 1840 à 1850 d’une première gare définitive réalisée par l’architecte Armand et l’ingénieur Flachat avec un allongement des voies vers le sud. Enfin de 1885 à 1889, le bâtiment est détruit pour laisser la place à une nouvelle construction de l’architecte Lisch doté de sa façade actuelle tandis que la cour du Havre est aménagée à la place de l’ancien bâtiment.
[11] Voir Lacam et son célèbre « Mémorial historique et géographique de la pâtisserie », 1900.
[12] Archives commerciales de la France du 07/10/1875.
[13] Archives commerciales de la France du 22/05/1884.
[14] A l’époque, une pâtisserie ne s’entendait pas au sens strict d’une boutique dans laquelle on achetait et emportait des gâteaux, mais aussi comme une sorte de restaurant où l’on pouvait manger, parfois sur place, des tartelettes, des bonbons ou encore des glaces mais aussi des plats salés tout en buvant de l’eau frappée, du lait, des sirops ou des vins.
[15] (Berthe) Louise (Andrea) : 1880-1922 mariée le 08/07/1901 (Paris 8è) à Alphonse (Auguste Joseph) Leclercq (1873-1950) dont trois enfants (Robert, Geneviève et Marie Louise Berthe).
[16] Henriette (Marie Joséphine) 1882-1944 mariée le 19/11/1904 (Paris VIIIème) à Charles (Édouard Auguste) Bricard (1878-1939) dont trois enfants (Andrée-Paule, Thérèse et Jacqueline Georgette).
[17] Registre des hypothèques, volume n° 84, folio n° 78, Archives de Paris.
[18] Voir l’article de Marie-Claude Paris « De Lyon à Paris, Hector Guimard et ses proches : famille, voisins et clients », Le Cercle Guimard, juillet 2020.
[19] Revue des loyers, 7ème année, n° 70.
[20] La seule réalisation recensée de ce type est l’armurerie Coutollau située à Angers dont Guimard avait dessiné la devanture et aménagé les intérieurs.
[21] Plusieurs dessins du fonds Guimard à Orsay datés de 1896 concernent ce projet de salon de thé qui devait être une dépendance du théâtre de la Bodinière, 16-18 rue Saint Lazare (Paris IXème).
[22] Fonds Guimard au musée d’Orsay. Côte GP 1076. Le recto représente une partie de la porte d’entrée principale de l’hôtel Nozal.
[23] Joseph Théodore Le Cœur (1860-1904), ingénieur des arts et manufactures, était à la tête de l’entreprise familiale Le Cœur et Cie dont l’usine était située 141 rue Broca à Paris (XIVème).
[24] La maison Le Cœur et Cie a notamment réalisé toutes les boiseries et les menuiseries (dont les cheminées) de l’hôtel particulier que l’architecte Xavier Schoellkopf a fait construire en 1898, 4 avenue d’Iéna (Paris XVIème).
[25] On retrouve notamment la maison Le Cœur et Cie parmi les collaborateurs de Guimard qui ont participé à la construction du pavillon « Le Style Guimard » pour l’Exposition de l’Habitation de 1903.
[26] Nous renvoyons nos lecteurs aux nombreux articles du Cercle Guimard faisant référence à La Critique. Cette revue littéraire et artistique progressiste éditée entre 1895 et 1920 a régulièrement mis en avant les idées et les travaux de Guimard.
[27] Selon les témoignages familiaux, la maison Doret et la Pharmacie de Rome s’accusaient mutuellement de mauvaises odeurs…
[28] Archives commerciales de la France des 24 mai et 03 juin 1927.
[29] L’Intransigeant du 12 juin 1927.
[30] Élève de Tony Garnier à l’École régionale d’architecture de Lyon en 1921 puis d’Emmanuel Pontremoli à l’École des beaux-arts de Paris, Georges Bovet a été 1er second Grand Prix de Rome en 1931. Il remporte le concours pour l’hôtel de ville de Bois-Colombes (92) et obtient son diplôme en 1938. Il s’est illustré en construisant des œuvres liées aux domaines de l’éducation et du sport. On lui doit notamment le Centre nautique de Valence en 1950, un lycée de garçons à Pau en 1955, l’Institut National des Sports dans le bois de Vincennes entre 1934 et 1962 ou encore certains bâtiments du Campus universitaire de Grenoble entre 1965 et 1968.
[31] La famille conserve par ailleurs de la vaisselle aux chiffres de la maison Doret mais qui n’a visiblement pas été dessinée par Guimard.
Nous avons été heureux de pouvoir acquérir récemment en vente publique[1] un décor de linteau en grès émaillé d’Hector Guimard édité par Bigot. Tout en le présentant à nos lecteurs, nous le replaçons dans le contexte de sa création, le comparons aux autres décors de ce type et décrivons brièvement leur évolution dans l’œuvre de Guimard. Cet article recoupe des informations contenus dans de précédents articles consacrés au stand Gilardoni & Brault de 1897, aux décors en céramique du Castel Béranger, au décor du vestibule du Castel Béranger, ainsi que dans le livre consacré à la céramique et à la lave émaillée de Guimard (éditions du Cercle Guimard, 2022).
Rappelons que les linteaux sont des traverses horizontales reposant sur deux points d’appui au-dessus d’une ouverture ou d’une baie et ayant pour fonction de soutenir la maçonnerie. Leurs décors, qu’ils soient sculptés sur les pierres du linteau ou plaqués devant elles, sont des éléments décoratifs des façades et des intérieurs dont l’origine se confond avec celle de l’architecture. En extérieur, sous nos climats, leur colorisation était problématique et ce n’est qu’avec l’arrivée de la lave émaillée à partir des années 1830 puis de la faïence ingerçable à partir des années 1840 que des décors architecturaux colorés et résistants aux intempéries ont pu commencer à enjoliver les façades de façon pérenne. Cette offre s’est multipliée avec l’augmentation du nombre de fabriques capables de les proposer et surtout avec leur industrialisation permettant de les éditer sur catalogues. L’apparition du grès émaillé à la toute fin du XIXe siècle est venue compléter une palette de produits déjà étendue.
Dès ses premières œuvres architecturales, Guimard a créé des décors de linteaux. Celui ornant l’hôtel Roszé (1891), a été sculpté en pierre. Pour cette raison, malgré le caractère répétitif de ses motifs floraux, il a sans doute été le plus coûteux de ces petites villas de l’ouest parisien.
Car la presque totalité de ces premiers décors, notamment au niveau des linteaux et des tympans de ces premières villas a été réalisé de façon plus économique en céramique cloisonnée d’après les dessins de Guimard. Ils ont tous été exécutés et en partie édités par Muller & Cie. On se réfèrera à notre ouvrage La Céramique et la Lave émaillée d’Hector Guimard qui les décrit entièrement pour l’hôtel Roszé (1891), l’hôtel Louis Jassedé (1893), la villa Charles Jassedé (1893), l’hôtel Delfau (1894) et la galerie Carpeau (1894-1895). Ces décors sont constitués d’éléments séparés avec motif de début, de milieu et de fin, illustrant des motifs floraux plus ou moins identifiables.
D’autres décors sont plus simplement composés d’éléments identiques répétés (métopes), souvent encadrés par des barres métalliques orthogonales. Avec la métope n° 13, Guimard évolue stylistiquement par rapport aux motifs précédents en évoquant la poussée d’un bouton floral repoussant ses involucres avec une stylisation qui en rend la lecture difficile au premier abord.
Pour les façades du Castel Béranger (1895-1898), immeuble qui a marqué son entrée dans le style Art nouveau, Guimard a également conçu des décors de linteaux. Quelques-uns sont en pierre sculptée, particulièrement épais et occupant toute la hauteur de la corniche du 4e étage de la façade sur rue.
Mais la plupart des décors de linteaux des façades du Castel sont beaucoup plus discrets, masquant un linteau métallique par des métopes encadrées par des lames métalliques. Techniquement, Guimard agit ici dans la continuité de sa mise en place de décors de linteaux quelques années plus tôt sur l’hôtel Louis Jassedé et la villa Charles Jassedé. Mais stylistiquement, ses motifs ont évolué vers un modelage où l’évocation du monde du vivant est perceptible mais sans que l’on puisse réellement identifier une espèce, ni même la rattacher au règne animal ou végétal. Les colorations ont également changé, passant d’aplats de couleurs vives cloisonnées à des camaïeux de couleurs ocres ou bleutées fondues.
Comme nous l’avons établi dans le livre sur la céramique de Guimard, les décors extérieurs en céramique émaillée du Castel Béranger ont été produits par Gilardoni & Brault et non en grès par Bigot. Cependant nous savons qu’un exemplaire de cette métope a été repéré à Cour-Cheverny dans le Loir-et-Cher[2]. Sa localisation à 25 km de Mer, lieu d’implantation de l’entreprise A. Bigot et Cie, dans une zone géographique où la diffusion de Gilardoni & Brault était nulle, introduit un doute quant à son attribution. Contrairement aux autres décors en céramique des façades du bâtiment, ce modèle précis de métope pourrait donc avoir été produit par Bigot.
À l’extérieur du Castel Béranger, un autre décor de linteau est particulièrement remarquable. Il s’agit de celui qui coiffe la (ou les) devanture(s) de boutiques(s) se trouvant à l’origine au niveau des 7e et 8e travées, du côté droit de la façade[3]. Ce linteau métallique, comparable à son contemporain du préau de l’École du Sacré-Cœur[4], était visiblement destiné à recevoir une (ou deux) enseigne(s). Le décor qui le surmonte est des plus étranges. Trois groupes de deux types de métopes (un grand modèle et un petit) sont enserrés dans des cornières métalliques en arc de cercle, séparés par des motifs en tôle découpée pouvant évoquer des fleurs en boutons. Les métopes, en céramique émaillée, ont l’aspect inédit d’une matière informe et convulsive, s’écartant radicalement de la plupart des autres décors des façades qui conservent une parenté avec le monde du vivant.
Ce style nouveau et propre à Guimard se retrouve largement sur les éléments en grès émaillé, cette fois produits par Alexandre Bigot, qui garnissent les parois du vestibule. Leur matière bouillonnante qui semble contenue par le strict motif de treillage en barres métalliques orthogonales présente des empreintes de doigts qui ont été enfoncées dans la terre glaise au moment de leur modelage.
C’est sans doute dans le même laps de temps (vers 1897) qu’ont été conçus les décors de linteaux en grès émaillé dont nous présentons un exemplaire en début d’article. Ils peuvent dissimuler un linteau métallique en étant placés devant lui, mais leur forme semi-elliptique les destine aussi à être mis en place sous un arc porteur en briques[5]. Cette disposition permet alors d’équiper les baies par des fenêtres à vantaux rectangulaires, plus économiques que des vantaux à traverses supérieures arquées.
Comme sur les panneaux en grès émaillé du hall du Castel Béranger, on trouve de multiples empreintes de doigts, regroupées dans de petites zones comme si ces empreintes appartenaient à une même main.
On retrouve sur leur tranche supérieure, tracées à la pointe, les signatures « Hector GUIMARD Arch[6] » et « A Bigot cer ». Ils sont donc signés de façon similaire à certains panneaux en grès émaillé du vestibule du Castel Béranger et aux cheminées en grès émaillé, éditées par Bigot et placées à une vingtaine d’exemplaires dans les salles à manger de l’immeuble (« GUIMARD Arch » et « A Bigot cer »).
Contrairement à ces cheminées du Castel Béranger, le revers de notre décor de linteau ne présente pas le logo de Bigot : une tour crénelée.
L’édition de ce décor de linteau est attestée par sa présence au sein du catalogue édité en 1902 par la société A. Bigot & Cie qui le commercialisait au prix de 40 F-or. Il est annoncé en longueur courante de 1 m avec la possibilité de porter celle-ci à 1 m 30. Pour l’instant, nous ne connaissons aucun exemplaire de cette dernière longueur. Mais même dans sa dimension courante, il a sans doute été peu diffusé puisque, sauf nouvelle découverte, nous n’en connaissons aucun exemplaire en place ailleurs que sur des bâtiments de Guimard.
Non seulement Guimard semble avoir été le seul à utiliser ces décors de linteaux édités par Bigot, mais qui plus est, il ne les a pas employés au moment de leur conception, préférant créer à chaque fois de nouveaux modèles. C’est seulement quelques années plus tard, alors que son style avait radicalement évolué et que ces décors s’étaient dèjà fort démodés, qu’il a commencé à s’en servir. Bien qu’il ait toujours été soucieux d’harmoniser ses créations, Guimard a parfois ainsi réutilisé des éléments décoratifs plus anciens, en décalage avec l’évolution de son style, mais qui ne nuisaient pas pour autant au résultat final.
La première occurrence de leur utilisation s’est faite au Castel Val, construit en 1903 par Guimard à Auvers-sur-Oise. Plusieurs décors de linteaux ont été insérés dans les balustrades des terrasses de la villa et du garage.
Dans une seconde phase d’aménagement de la propriété en 1911-1912, l’architecte Eugène Daubert, sous la supervision probable de Guimard, a sans doute complété cette longue balustrade en ciment joignant la villa au garage, portant à seize le nombre de ces décors de linteaux [7]. Dans cette configuration architecturale, ils perdent alors leur signification pour ne plus être que des éléments décoratifs colorés utilisés pour ponctuer le chemin. Au fil du temps cette balustrade du Castel Val s’est dégradée et a été restaurée en 2003-2004. Le seul décor original intact qui subsistait a été moulé et des copies en ciment ont été replacées dans chaque module de la balustrade.
En 2021, lors de sa revente, le Castel Val comportait encore l’élément original exposé en intérieur. Il est possible que l’élément que nous avons acquis provienne lui aussi de la balustrade originale.
L’autre occurrence de ces décors de linteaux en grès émaillés édités par Bigot s’est faite à deux exemplaires dans la cour de l’hôtel Deron Levent en 1907. Ils surmontent effectivement des fenêtres (au premier étage) mais, placés plus en hauteur au sein de la maçonnerie, ils perdent également leur fonction primitive, celle de dissimuler (ou d’accompagner) une poutrelle métallique industrielle. Ces dernières sont pourtant bien visibles, mais enjolivées par des décors en fontes alors créés spécialement à cet usage par Guimard et dont il sera question plus loin dans notre article.
Très similaire à notre décor de linteau en grès émaillé, mais pourtant légèrement différent, un autre modèle a été retrouvé à deux exemplaires sur un immeuble banal, non daté et d’architecte inconnu, à Courbevoie[8] en banlieue parisienne. Scellés en linteaux de fenêtre de rez-de-chaussée, ces décors ne révèlent pas le nom de leur fabricant, mais leur attribution à Guimard ne fait aucun doute. Mesurant également un mètre de longueur et relevant donc d’une offre équivalente à celle du catalogue de Bigot, ils ont nécessairement été produits par un concurrent, le nom de Gilardoni & Brault étant sans doute le plus probable. On observe qu’ils ne comportent pas de coulures de l’émaillage comme on en trouve sur tous les décors de linteaux de Guimard édités chez Bigot.
Si nous revenons à présent en arrière, au moment de l’aménagement du Castel Béranger, nous retrouvons d’autres décors de linteaux et en particulier au sein de l’agence de Guimard, située au rez-de-chaussée de l’immeuble. Nous écartons de notre sujet les décors des chambranles des deux fenêtres du bureau du Guimard, assez grossièrement creusés à même la pierre.
De véritables décors de linteaux se trouvent sur le mur orthogonal à celui de la rue, et tout d’abord au-dessus de la porte du dégagement permettant la sortie sur cour. Guimard y a placé un décor de linteau qui est cerné par des cornières de métal découpées et coudées. Son style est proche du linteau que nous avons acheté et, si l’on se réfère à la carte postale de l’agence Guimard, ce linteau était coloré (mais pas nécessairement en bleu) probablement avec des nuances.
À l’heure actuelle, ce décor de linteau et ses cornières en métal sont uniformément peints d’une couleur verdâtre. En s’en approchant, on constate que le décor en relief n’est pas, comme on pouvait s’y attendre, en céramique mais simplement en staff.
De l’autre côté de cette porte, dans le dégagement permettant la sortie sur cour, se trouvent deux autres décors de linteaux, jumelés à angle droit. Ils sont de même nature que le précédent (cornières et staff) et actuellement entièrement peints en blanc.
Toujours dans le bureau de Guimard, mais de l’autre côté de la cheminée, une autre porte donnant cette fois dans le bureau des dessinateurs est surmontée d’un linteau. Il est d’une plus grande longueur car il englobe aussi une niche séparée de la porte par un épais pilier. Au-dessus de ce pilier, le staff modelé est remplacé par une plaque métallique savamment découpée.
Le dessin des parties métalliques de ces trois derniers décors de linteaux existe dans le fonds Guimard du Musée d’Orsay. Il comporte sur sa droite un quatrième linteau qui n’est pas identifié. Ce dessin n’est pas daté mais pourrait approximativement remonter à l’année 1897, époque où Guimard a conçu l’aménagement de son agence.
Face à la cheminée, un troisième décor de linteau, beaucoup plus important, surmonte la large baie séparant en deux le bureau de Guimard. Il est de même nature que les précédents, combinant les fers industriels pliés et découpés avec des surfaces modelées en staff.
Enfin, un linteau spectaculaire sépare le bureau des dessinateurs du couloir d’entrée. Il comporte une partie centrale horizontale, comparable à celles des précédents linteaux. Mais ce sont ces consoles latérales qui assurent l’essentiel de l’effet.
Guimard a reproduit ces deux consoles sur une planche consacrée à des éléments métalliques dans le portfolio du Castel Béranger et a mentionné dans les légendes : « Console en fonte des filets en fer ». Mais leur examen révèle que, comme la totalité des consoles de l’agence et des espaces communs, elles ont été moulées en staff et non en fonte. Ce choix, probablement dicté par une recherche d’économie et de facilité de mise en place, vient contredire le crédo rationaliste de Guimard[9] puisque les consoles expriment une fonction de soutien.
Toujours en 1897, Guimard est chargé de la construction du stand Gilardoni & Brault à l’Exposition nationale de la céramique. Comme nous l’avons vu précédemment, lors de la phase de décor du Castel Béranger, il a sollicité cette tuilerie implantée à Choisy-le-Roi. L’entreprise, dotée d’un solide savoir-faire en matière de décor architectural, lui a alors fourni les décors externes et une partie des rétrécissements de cheminées des salons. Le stand Gilardoni & Brault, sous la forme du « Porche en Céramique d’une Habitation » présente certes des produits fabriqués par la tuilerie (tuiles, briques, et même deux modèles de sculptures de style historique) mais surtout un étourdissant ensemble de décors en grès émaillé, modelés par le sculpteur Raphanel[10]. Le nouveau style de Guimard s’est ainsi trouvé révélé d’une manière radicale au grand public qui n’avait pas encore vraiment eu connaissance de cette construction excentrée qu’était le Castel Béranger. Linteaux, appuis de fenêtres, meneaux, corniches, chéneaux et faitières, sans compter un décor complet d’escalier sont l’occasion d’un déchaînement de formes abstraites mouvantes, concentrées dans un espace bien plus réduit qu’au Castel. Seul le panneau au chat faisant le gros dos[11], vraisemblablement exposé ici avant sa mise en place sous l’oriel du Castel Béranger apporte une note de réalisme à cet exercice de style en forme de façade.
Au-dessus de la petite fenêtre à gauche et de la petite porte à droite, Guimard a placé des décors de linteaux qui sont encadrés par des cornières (à gauche) ou des lames en tôle découpée (à droite). Là encore, l’aspect de leur modelage est très proche du décor de linteau édité par Bigot (ou l’inverse). Le fait que nous sachions que pour cet ensemble Guimard a eu recours au sculpteur Raphanel peut nous laisser supposer, mais sans certitude, que ce dernier a aussi participé au modelage du décor de linteau édité chez Bigot, ainsi qu’au modelage des décors de linteaux présents dans l’agence du Castel Béranger, le tout d’après des dessins de Guimard.
Presqu’en même temps que le Castel Béranger, Guimard a construit au Vésinet la villa Berthe en 1896. D’aspect plus conventionnel que le Castel par la symétrie de sa façade tournée vers la rue, la villa possède néanmoins de très beaux détails décoratifs comme les décors des linteaux des fenêtres du premier étage, probablement élaborés à la même époque (1897) que ceux du stand Gilardoni & Brault et du Castel Béranger.
Sur la travée centrale, légèrement bombée, le décor est divisé en trois parties, elles-mêmes subdivisées en trois éléments en grès émaillé. Les jonctions entre les éléments sont masquées par des lames en tôle découpée. À la différence de la disposition des panneaux du vestibule du Castel Béranger, ces lames ne sont plus strictement orthogonales mais courbes, participant ainsi davantage au décor. Cette innovation pourrait être le signe d’une création légèrement postérieure, mais elle apparaît pourtant sur les plans datés d’avril 1896. Là aussi, la planéité de ces lames, contrastant avec la protrusion des éléments en grès émaillé, semble leur donner une fonction de contrainte s’opposant au bouillonnement de la matière.
Rapidement, à partir de 1898, Guimard a été attiré par l’utilisation de la lave émaillée qui se sculpte, ou qui, dans sa version dite de la lave reconstituée[12], se moule. Son émaillage permet une vivacité des coloris et une précision de leur mise en place que le grès émaillé aux tons plus ternes et plus fondus n’atteint pas. Vaporisé sur des panneaux ou des blocs de lave naturelle « sabrée » ou « rustiquée », cet émaillage permet aussi d’ajouter une coloration presque inaltérable à un travail traditionnel de la pierre. L’une des premières utilisations architecturales de la lave émaillée par Guimard s’est sans doute faite sur les linteaux de l’hôtel Roy, 81 boulevard Suchet à Paris en 1898. Sa destruction ne nous permet pas de connaître la couleur exacte employée car la colorisation de la carte postale représentant sa façade sur rue n’est pas forcément un reflet de la réalité. Outre les linteaux des trois fenêtres de la grande baie du rez-de-chaussée, du grand linteau qui la surmonte et du grand linteau placé au-dessus des fenêtres du premier étage, il est probable qu’au niveau de l’annexe à droite, sous la terrasse, les décors des linteaux des fenêtres étaient aussi en lave émaillée.
La photo en noir et blanc de l’article d’Abel Favre consacré à Guimard et paru dans la revue Le Mois de septembre 1901, montre, là aussi, la présence de lames courbes en tôle découpée entourant et divisant les plaques de lave émaillée.
L’immeuble de Guimard le plus emblématique de l’utilisation de la lave émaillée est bien sûr la maison Coilliot à Lille en 1898-1900. Guimard a revêtu sa façade sur rue par des panneaux sabrés et émaillés en vert en y intégrant deux importantes enseignes. Elles se distinguent du reste de la façade par leur surface lisse et leur fond jaune mais ne sont pas des décors de linteaux.
À l’intérieur de la maison, Guimard a disposé plusieurs décors de linteaux dont un double au-dessus des deux portes du palier donnant accès à l’appartement du premier étage. Au moins quatre autres petits décors de linteaux en lave émaillée étaient disposés au sein de l’appartement, enserrés par des lames de fer pliées. Pour leur modelage, l’évolution stylistique de Guimard est patente par rapport au décor de linteau édité par Bigot. Réalisés en lave reconstituée par estampage sur un moule avant cuisson et émaillage, ils auraient pu facilement être multipliés et employés sur d’autres constructions de Guimard. Mais pour l’instant nous n’en connaissons pas d’autres tirages. Comme pour le Castel Béranger et le stand Gilardoni & Brault, ces décors de linteaux étaient enserrés dans des lames de fer pliées.
Lors de la première partie de sa carrière, plus « militante », au lieu de dissimuler les linteaux métalliques en les recouvrant par un décor, Guimard a aussi cherché à les mettre en valeur. Lorsque des poutrelles en I étaient employées, en particulier pour les soubassements, il a agi de la même manière qu’avec des fers industriels en cornière, en U ou en T, en découpant la partie centrale et en pliant les ailettes
En hauteur, il a parfois créé de véritables décors d’une grande complexité tout en leur donnant une impression de légèreté en combinant de la tôle rivetée à des cornières découpées, elles-mêmes doublées ou triplées par des barres de fer pliées. La dépense entraînée par la forte augmentation du métrage des fers a été habilement compensée par l’économie réalisée en employant des matériaux industriels mis en œuvre par un serrurier et non par un ferronnier. Le plus bel exemple d’un tel linteau est sans doute celui de la boutique Coutollau à Angers en 1896.
En se tournant de plus en plus vers la production en série, Guimard a pu créer un important corpus de fontes ornementales, édité par la fonderie de Saint-Dizier et diffusé sur un catalogue spécial. Parmi ces fontes, plusieurs modèles de décors d’extrémités de linteaux peuvent s’adapter aux poutrelles en I de dimensions normalisées (IPN) en s’insérant le long de l’âme. Ils sont pourvus d’un œillet pour leur fixation par rivetage ou boulonnage.
Le modèle GA est le plus grand, conçu pour une âme de 12 cm.
Les modèles GB et GC sont conçus pour des âmes de 10,5 et 8,5 cm.
La rosace GE[13] a la même hauteur que les ornements GB. Également pourvue d’un œillet, elle est destinée à ponctuer les poutrelles. Nous ne connaissons cependant aucune occurrence d’une telle utilisation.
Les modèles GD sont différents car ils ne comportent pas d’œillet et sont conçus pour s’adapter à deux petits fers en T, l’un horizontal et l’autre cintré. En raison de la faiblesse de leur section, ces fers ne peuvent avoir de fonction de linteau et cette combinaison de fers et de fontes ne peut donc qu’être plaquée devant un linteau porteur ou se placer sous un arc[14].
Guimard les a largement utilisés sur les deux immeubles Jassedé du 142 avenue de Versailles et du 1 rue Lancret[15] à Paris (1903-1905) en les appliquant contre des poutrelles en I.
Le dernier exemple d’utilisation des ornements de linteaux GD par Guimard s’est sans doute fait sur la fenêtre du premier étage sur rue de la petite villa d’Eaubonne que nous datons approximativement de 1907. Sans doute pour donner plus de discrétion à ce linteau, Guimard ne lui a pas adjoint le fer supérieur arqué.
Contemporain de la villa d’Eaubonne, l’hôtel Deron Levent, villa de la Réunion à Paris, comporte également plusieurs linteaux en poutrelles métalliques recevant des ornements en fonte (GA, GB, GC). Cependant, pour cette construction plus luxueuse qui se hausse au statut d’hôtel particulier, Guimard a éprouvé le besoin d’ajouter des décors modelés en stuc surmontant les linteaux des fenêtres du premier et du deuxième étage de la travée centrale. Et dans le même but, il a fait sculpter les consoles soutenant les balcons de cette travée, ainsi que l’arc de la fenêtre du second étage.
Nous avons vu plus haut que, dans la cour de cet hôtel, Guimard avait placé deux linteaux métalliques au-dessus des fenêtres du premier étage et qu’il les avait pourvus d’ornements GC. Là aussi, il a voulu en renforcer l’effet décoratif en leur adjoignant cette fois ses anciens décors de linteaux en grès émaillé édités par Bigot.
La villa d’Eaubonne et l’hôtel Deron Levent sont pratiquement les dernières constructions[16] sur lesquelles Guimard a fait apparaître des linteaux métalliques. Par la suite, l’expression d’une élégance de bon aloi a supplanté la volonté d’afficher la structure du bâtiment sur les façades. C‘est donc la sculpture de la pierre qui a progressivement pris le relais des multiples décors de linteaux que nous avons répertoriés. Mais là encore, Guimard a su s’écarter du conformisme de ses confrères. Alors que la plupart des architectes concentrent le décor des linteaux des portes d’entrée en leur milieu pour y placer une tête, un motif quelconque ou un simple numéro de rue, Guimard a pris le contre-pied de cette habitude en évidant au contraire la partie centrale et en augmentant le décor sur la partie haute des jambages et sur les angles supérieurs.
Même sur la porte de son hôtel particulier, avenue Mozart, où Guimard a placé son monogramme au centre du linteau de la porte d’entrée, la surabondance du décor latéral rend plus discrète la présence de ce motif.
Le décor des linteaux a donc fidèlement suivi l’évolution du style de Guimard en matière d’architecture, passant d’une multiplicité de matériaux, souvent très colorés, à une restriction de leur nombre et à une plus grande sobriété dans la coloration. Dans le même temps, leur modelage, bouillonnant à l’époque du Castel Béranger, s’est assagi pour se tourner vers la recherche d’élégance.
Frédéric Descouturelle
Notes :
[1] Vente Auctie’s du 02 décembre 2022, à Drouot salle 10, lot 183.
[2] Information fournie par Mme Françoise Mary.
[3] L’aspect réel de ce (ou ces) boutique(s) nous est pratiquement inconnu. Dans le portfolio du Castel Béranger, aux planches 1 et 2, Guimard en donne deux versions dessinées, à la fois différentes et imaginaires. Seule une petite partie des devantures est photographiée (sans avoir été retouchée) aux planches 3 et 6 et fait apparaitre de simples panneaux de verre verticaux étroits conformes au premier projet du Castel Béranger avant sa transformation par Guimard en un immeuble de style Art nouveau. Ces ouvertures ont été par la suite réduites en simples fenêtres reprenant le gabarit de la fenêtre de droite de l’agence de Guimard.
[4] 9 avenue de la Frillière, Paris XVIe, 1895.
[5] Il devient alors nécessaire pour l’architecte et pour l’entrepreneur de concevoir leur arc en suivant les dimensions et la courbure du décor de linteau. Il s’agit du même phénomène de renversement des rôles qui s’est répandu tout au long du XIXe siècle en raison de l’édition en série des décors et qui voit, par exemple, les menuisiers tenus de fabriquer leurs huisseries en fonction des dimensions des panneaux de fontes ornementales disponibles sur catalogues.
[6] Guimard a donc préféré se prévaloir de la fonction d’architecte qu’il tenait en haute estime, plutôt que celle de sculpteur-modeleur qu’il aurait plus logiquement utilisé en signant « Hector Guimard sc ».
[7] Ce chiffre est celui de l’actuelle disposition après restauration de la balustrade. Cependant une photographie ancienne montre que la répartition des décors de linteau était sans doute différente de l’actuelle. De plus, deux autres modules de balustrade existent aussi au niveau du portail de l’entrée carrossable sur rue, sans que nous sachions s’il s’agit bien d’une disposition d’époque.
[8] Nous remercions Georges Barbier-Ludwig, ancien conservateur du musée Roybet-Fould de Courbevoie de nous avoir signalé leur existence.
[9] « Guimard me disait ce matin une chose juste : dissimuler le moins possible la nature des matériaux — que du bois reste du bois, etc. — et si pour des raisons pratiques on est forcé de les recouvrir, que l’on conserve le plus possible les caractères de chaque matériau, sinon dans leur teinte, pour se garder de toute imitation, mais dans leur ton pour rester logique… » Signac, Paul, Journal, 15 janvier 1899, cité par Thiébaut, Philippe, La Revue de l’Art, 1991, vol. 92 ; n° 1, p. 72-78.
[10] Le nom de Raphanel est le seul nom de collaborateur cité dans la presse. Il l’est également sur le plan du stand et sur le projet d’enseigne du stand dessiné par Guimard. Il apparait également en compagnie de celui du sculpteur plus connu Jean-Désiré Ringel d’Illzach dans le portfolio du Castel Béranger où tous deux sont crédités de l’exécution des modèles de sculpture. Il s’agit vraisemblablement du sculpteur Xavier Raphanel (1876-1957), auteur de nombreuses statuettes historicistes et de quelques objets d’art décoratif.
[11] On se réfèrera au livre La Céramique et la lave émaillée de Guimard où nous faisons l’hypothèse que ce panneau au chat faisant le gros dos est la réduction d’un panneau légèrement plus grand, édité en version gauche et droite, et qui a été remodelé pour entrer dans l’espace qu’il occupe actuellement au Castel Béranger, peut-être à la place d’un autre décor initialement prévu.
[12] Cf. le livre La Céramique et la lave émaillée de Guimard ou notre article sur la lave émaillée.
[13] La rosace GE est également répertoriée en tant que rosace GO sur la planche des ornements divers. De même que les ornements de linteau GA, GB et GC, elle sera intégrée lors d’une augmentation du catalogue à des compositions de balcons et de balustrades fondues en une seule pièce.
[14] C’est cette solution qui a été adoptée pour le seul exemple d’utilisation des ornements de linteaux GD en dehors de Guimard sur un immeuble non daté et d’architecte inconnu au 13 avenue de Metz à Châlons-en-Champagne.
[15] Sur la façade de l’immeuble du 142 avenue de Versailles à Paris donnant dans la rue Lancret, le fer supérieur arqué des décors de linteaux est manquant sur toute la 2e travée (petites fenêtres d’un escalier), ainsi que sur toutes les façades sur rue de l’immeuble du 1 rue Lancret. Cette systématisation des manques écarterait l’hypothèse de destructions aléatoires de ce fer supérieur. Cependant on note que même lorsque le fer supérieur est manquant, les coins supérieurs et intérieurs des ornements de linteaux GD ont été sciés, comme dans les cas où un fer supérieur arqué y était inséré. Faute de pouvoir examiner de près un ornement de linteau GD, nous ne connaissons pas la raison précise de cette amputation, mais il est probable qu’elle est due à un impératif technique puisqu’elle n’existe pas sur le linteau de la villa d’Eaubonne où un fer supérieur arqué n’a pas été mis en place.
[16] Sur l’immeuble Franck, 10 rue de Bretagne, réalisé de façon très économique de 1914 à 1919, les linteaux métalliques ont réapparu, sans aucun décor. La maquette de maison standardisée, vers 1921, conservée au musée des Arts Décoratifs, montre également des linteaux apparents qui pourraient avoir été prévus en ciment armé.
Addenda le 25 mars 2023
Un décor de linteau en grès émaillé par Bigot, semblable à celui que nous présentons en début d’article, a été brièvement mis en vente le 25/3/2023 sur le site LeBonCoin. L’existence de ce nouvel exemplaire (le troisième) plaide en faveur de l’existence d’une série de ces décors de linteaux provenant du Castel Val.
Après avoir évoqué l’exposition Vallin qui s’est tenue à la villa La Garenne à Liverdun pendant l’été 2022, nous débutons une série de trois articles montrant quelques influences réciproques entre les artistes de l’École de Nancy et ceux de l’Art nouveau parisien, en nous concentrant sur l’architecture.
L’histoire des interactions entre le style naturaliste de l’École de Nancy et les styles plus linéaires de l’Art nouveau parisien et de l’Art nouveau belge a déjà été en grande partie étudiée[1]. Elle est faite d’allers-et-retours entre les angles de ce triangle isocèle, angles distants de 320 km. Si les bruxellois ont eu l’initiative en matière d’architecture, il est exact que les nancéiens se sont précocement illustrés dans les arts décoratifs par la qualité et le volume de leur production. Les relations entre ces trois foyers de création étaient cependant dissymétriques, reproduisant aussi la force économique et politique de chacun de ces pôles, car si la réussite locale était possible à Nancy et plus encore à Bruxelles, la reconnaissance et le passage à une dimension financière supérieure passait alors par Paris. Le bruxellois Henry Van de Velde et les nancéiens Émile Gallé et Louis Majorelle l’avaient parfaitement compris puisqu’ils s’y étaient implantés aussi rapidement qu’ils l’avaient pu. Si la greffe n’a pas pris pour Van de Velde, contraint de s’exiler en Allemagne, elle a réussi sur le plan commercial pour Gallé, aidé par ses relations mondaines et littéraires avec le milieu intellectuel parisien et plus encore pour Majorelle grâce à ses relations amicales et professionnelles nouées lors de son passage à l’École des Beaux-Arts de Paris. C’est également à l’ENBA de Paris qu’ont été formés les nancéiens Victor Prouvé et Jacques Gruber, avant qu’ils ne s’illustrent dans le domaine de l’art décoratif. Quant à Camille Gauthier, l’un des plus brillants représentants de la seconde génération de l’École de Nancy, il a été élève de l’École nationale des arts décoratifs à Paris à partir de 1891 avant d’être embauché chez Majorelle en 1893. La question de cette formation professionnelle était d’ailleurs âprement débattue à Nancy, où malgré la transformation progressive, mais fort lente, d’une école municipale de dessin en une véritable école des beaux-arts, la nouvelle génération des architectes nancéiens, celle qui a été active dans les années 1900, s’est faite à l’École nationale des Beaux-Arts de Paris où elle a bien souvent conservé des relations. Ces architectes en retiraient un prestige que n’avaient pas leurs devanciers, formés au sein des cabinets d’architectes installés et à l’École Professionnelle de l’Est.
L’influence nancéienne chez Guimard
Connu à Paris à partir de l’Exposition universelle de 1878, célèbre à partir de l’exposition La Pierre, le Bois, la Terre, le Verre organisée par l’Union Centrale des Arts décoratifs en 1884, et enfin sacré à l’Exposition Universelle de 1889, Émile Gallé a largement contribué à une utilisation renouvelée de la plante par les arts décoratifs. Il faut en partie mettre au crédit de cette influence les nombreuses représentations florales que l’on va ensuite trouver dans l’Art nouveau parisien, par exemple chez Lalique, mais aussi, et de façon presque inattendue, dans la première partie de la carrière d’Hector Guimard. Jusqu’en 1895, ce dernier pratiquait un style encore éclectique mais si reconnaissable et novateur que l’on peut le qualifier de proto-Art nouveau. On le retrouve en particulier dans ses créations de panneaux de céramique architecturale et on se référera pour cela au troisième et quatrième articles de notre série sur l’entreprise de céramique Muller.
Si l’impulsion stylistique venait bien de Nancy, on assiste ici à un retraitement complet de la composition de ces panneaux, qui s’éloigne de l’utilisation descriptive de la botanique qu’en faisait Émile Gallé. Au contraire, Guimard est parvenu en très peu de temps à opérer des stylisations parfaitement maîtrisées de motifs floraux qui n’avaient rien à envier à ceux qui ont été présentés un peu plus tard en 1897 dans le portfolio La Plante et ses applications ornementales d’Eugène Grasset et de ses élèves. L’empreinte nancéienne la plus visible sur une œuvre de Guimard se trouve sur les fontes ornementales de l’école du Sacré-Cœur, 9 avenue de la Frillière, Paris XVIe, en 1895. Les chapiteaux des colonnettes divisant en trois les grandes baies du premier étage ont un motif très reconnaissable de feuille et de fleur du chardon, une plante qui n’a pas de lien direct avec l’iconographie du cœur sacré de Jésus.
Or cette plante n’est autre que l’emblème de la ville de Nancy depuis le XVe siècle, figurant sur son blason en compagnie de la devise non inultus premor. Elle est ainsi devenue un motif naturaliste d’identification que les nancéiens ont abondamment et continuellement utilisé dans toutes les branches de l’art décoratif.
Plus intéressants encore, les piliers inclinés en fonte, qui soutiennent le premier étage de l’école du Sacré-Cœur, ont été décorés par des motifs qui ne sont plus cette fois descriptifs mais qui évoquent très clairement le bourgeon et l’indentation des feuilles du chardon.
Dès sa période à proprement parler Art nouveau, celle qui débute en 1895 avec le Castel Béranger, Guimard a abandonné la représentation naturaliste et botanique pour n’en garder que l’esprit. Il a ainsi adhéré à l’esthétique prônée par le bruxellois Victor Horta, tout en inventant — et en réinventant constamment — son propre style, bientôt copié par une foule de suiveurs. Pourtant, Guimard n’a pas totalement banni la plante de sa création. Elle a pu ressurgir ponctuellement, mais toujours sous une forme non identifiable botaniquement. On retrouve ainsi des indentations appliquées à la base des piliers postérieurs des édicules A (1900)[2].
Des feuilles et des fruits sculptés sur le linteau de la porte d’entrée du 43 rue Gros (1909-1911).
Le plafonnier du vestibule est visible sur la photo précédente. Il fait partie des Lustres Lumière créés par Guimard à partir de 1909. Sur ses plaques en bronze, on voit aussi des feuilles ou des brins d’herbe entrecroisés.
Plus tard, en 1922, sur les piédroits de la sépulture Grunwaldt, au cimetière nouveau de Neuilly-sur-Seine, le décor sculpté mêle les branches de laurier et de palme, deux espèces communes au répertoire des cimetières. Avec ces deux plantes qui sont également utilisées dans le décor rapporté de ce petit monument, il s’agit de symboliser la gloire du défunt.
L’influence de l’Art nouveau parisien et de Guimard à Nancy
Pour sa part, Guimard n’a jamais rien construit, ni décoré à Nancy. Plus encore, à ce jour aucune archive ne nous permet même de dire qu’il a visité la ville et cependant son influence sur place est bien réelle. Elle s’est réalisée par l’intermédiaire de confrères architectes parisiens qui ont su composer avec le naturalisme en vogue à Nancy. Le premier d’entre eux est bien sûr son ami Henri Sauvage qui a construit à Nancy la villa du fabricant de mobilier Louis Majorelle. Ce choix d’un jeune architecte parisien, alors inexpérimenté, est tout à fait significatif, tant Majorelle a été à la fois une tête de pont du style nancéien à Paris et une tête de pont du style parisien à Nancy. Émule de Gallé dans le domaine de l’ébénisterie à partir de 1895, il n’a donné à son style une dimension véritablement personnelle que peu de temps avant L’Exposition Universelle de 1900 en se rapprochant du style parisien. Cette orientation a sans doute d’ailleurs été favorisée par le travail du jeune Camille Gauthier, formé à l’École nationale des arts décoratifs et embauché chez Majorelle de 1893 à 1900. Elle a aussi été inspirée par certains modèles parisiens comme cette coiffeuse de Charles Plumet et Tony Selmersheim, dont les pieds se dédoublent pour venir soutenir une console.
Cette disposition des pieds, pourvus d’épines sur la coiffeuse Plumet /Selmersheim (et donc clairement désignés comme des tiges végétales à la façon des nancéiens) a largement été reprise un peu plus tard sur une partie du mobilier présenté par Majorelle à l’Exposition Universelle de 1900. Ses meubles présentaient alors une ligne dynamique plus continue (plus « parisienne ») soulignée par une tige de nénuphar en bronze doré.
Majorelle a également collaboré avec le parisien Henri Sauvage en 1898 pour trois salons du Café de Paris (41 avenue de l’Opéra).
Cette réalisation parisienne de Majorelle a préludé à la construction de sa villa à Nancy conçue par le même architecte en 1901-1902 avec l’intervention de deux autres parisiens : le céramiste Alexandre Bigot et le jeune peintre Francis Jourdain, fils de l’architecte Frantz Jourdain, autre ami d’Hector Guimard.
Un autre architecte parisien, Jacques-René Hermant est intervenu relativement précocement à Nancy pour y construire la maison Victor Luc en 1901-1902.
Sa façade symétriquement ordonnée en travées et niveaux recèle de beaux détails comme les chapiteaux des colonnes du porche, les céramiques de la corniche et les ferronneries aux courbes linéaires. À l’intérieur, une rampe d’escalier en grès émaillé de Gentil & Bourdet est l’une des réalisations les plus remarquables de cette entreprise parisienne dont l’un des protagonistes, François Eugène Bourdet, est un jeune architecte originaire de Nancy.
Ces deux dernières demeures ont influencé les architectes nancéiens et la Villa Majorelle est même devenue un des moteurs de l’architecture moderne nancéienne. Mais parallèlement à cette tendance parisienne, un autre courant, d’inspiration plus locale, était emmené par le tandem Vallin-Biet qui venait d’achever l’immeuble Biet. Pour cette tendance locale, la filiation avec le Moyen-âge et la Renaissance était aussi présente, mais la structure des bâtiments se voulait plus unitaire et plus organique. Comme nous le verrons dans un prochain article, Guimard et Vallin ont pu — séparément — exploiter certains thèmes comme la représentation de la déformation de la matière.
Beaucoup d’architectes nancéiens, comme Émile André et Lucien Weissenburger ont ensuite prélevé des détails décoratifs dans l’une et l’autre des deux constructions. Sur la maison Houot ou sur la villa Fernbach d’Émile André, les appuis de fenêtres sont empruntés à la villa Majorelle de Sauvage.
Le même architecte, Émile André, a emprunté les péristyles des balcons des troisièmes étages de ses immeubles au 69 et 71 avenue Foch à Nancy à un autre architecte parisien précurseur du style Art nouveau : Charles Plumet.
Plumet avait développé ces péristyles sur plusieurs de ses immeubles parisiens à partir de 1897 (36 rue de Tocqueville) et les avait réutilisés à de nombreuses reprises.
Toujours dans la villa Majorelle, le bâti des portes du rez-de-chaussée, vitrées sur les deux tiers de la hauteur, présente un intérêt particulier. À la base de la partie vitrée, un petit bois se détache obliquement de chaque montant latéral puis se verticalise et rejoint la traverse supérieure, évoquant un rejet né d’un tronc. De plus, cette partie vitrée est recoupée en partie supérieure par une simple ligne horizontale.
Louis Majorelle a repris cette disposition sur une série de vitrines avec ou sans adjonction de décor naturaliste.
Or cette disposition est directement reprise sur les portes de plusieurs vitrines de Guimard dont la plus ancienne est reproduite dans un article de Frantz Jourdain publié dans le premier numéro de la Revue d’Art (dont Guimard avait dessiné la couverture) en novembre 1899.
Cette porte est plus visible sur cette vitrine plus tardive qui figurait dans l’hôtel Guimard.
D’autres influences du travail de Guimard existent à Nancy, même si elles ne sont pas en très grand nombre. Elles se sont plutôt faites par la publication de ses œuvres dans les revues ainsi que par le biais des voyages des nancéiens à Paris. C’est sans doute par l’un ou l’autre moyen que Joseph Hornecker, jeune architecte alsacien arrivé à Nancy à 1901 et associé à Henri Gutton a pu s’inspirer du Castel Henriette à Sèvres pour la Villa Marguerite, construite au parc de Saurupt à Nancy en 1904.
En se promenant dans les rues de Nancy, on retrouve aussi des fontes ornementales de Guimard aux fenêtres d’une petite quinzaine de maisons ou d’immeubles dont une bonne part est due à l’architecte Lavocat. Mais il s’agit de commandes effectuées directement auprès de la fonderie de Saint-Dizier par un petit nombre d’architectes nancéiens avant la Première Guerre mondiale et donc sans intervention de Guimard.
Il n’est pas possible d’attribuer à l’influence du seul Guimard les nombreuses ferronneries de style linéaire que l’on peut aussi rencontrer à Nancy, comme celle de l’Immeuble Kempf, 40 Cours Léopold par Félicien et Fernand César (1903-1904), ou celles des maisons des 16 et 20 rue des Bégonias par Désiré Bourgon. Mais, outre la marquise de la villa La Garenne qui a fait l’objet d’un article précédent, il existe un exemple bien connu d’une transcription directe d’une œuvre de ferronnerie de Guimard : la porte du Castel Béranger copiée par le serrurier nancéien Lucien Collignon pour la porte de sa propre maison au 55 rue de Boudonville en 1905, soit huit ans après celle de Guimard.
Plus anecdotique, sur le boulevard Lobau, le guichet et ses lettrages du bâtiment commercial du négociant en charbon Jules Kronberg sont aussi à mettre au crédit de l’influence qu’a eu le style de Guimard à Nancy. Cet « écart » est d’autant plus étonnant que Kronberg a été locataire et client de Vallin, domicilié presque en face.
Également dans le domaine de la ferronnerie, le jeune parisien Edgard Brandt (1880-1860) a eu une première période créative dans le style Art nouveau. En intervenant à Nancy, il a su s’adapter au style local. À la demande de l’architecte nancéien Joseph Hornecker, il a été chargé en 1907-1909 d’un important programme au nouveau siège de la banque SNCI (ferronneries extérieures, du hall et de la salle des coffres).
Pour le même architecte nancéien et également en 1907, Brandt a exécuté la rampe de l’escalier d’honneur de la mairie d’Euville en Meuse. Ces deux réalisations, à la fois naturalistes (pommes de pin pour la SNCI) et symbolistes (chêne pour la mairie d’Euville) sont tout à fait dans le style nancéien et préludent à l’évolution progressive de Brandt vers un style moderne plus épuré puis vers l’Art déco.
En raison de la vigueur du foyer artistique nancéien, ces échanges stylistiques entre Nancy et Paris ne se sont donc pas faits au profit de la seule capitale et, comme nous le verrons dans un prochain article, le style nancéien a même opéré un vigoureux retour en force à Paris grâce aux grands magasins et en particulier à la puissante chaîne nancéienne des Magasins Réunis.
Frédéric Descouturelle
Merci à Fabrice Kunégel qui nous a signalé la similitude entre les menuiseries des portes intérieures de la villa Majorelle et celles de certaines vitrines de Guimard. Merci également à Koen Roelstraete pour ses recherches sur la vitrine aux pommes de pin de Majorelle.
Notes
[1] Grâce à de nombreux articles et à la passionnante exposition Paris-Bruxelles, Bruxelles-Paris de 1997 au musée d’Orsay et au musée des beaux-arts de Gand.
[2] Signalons pour la forme que les interprétations que nous pouvons donner des motifs de Guimard n’engagent que nous. Si nous pensons qu’elles peuvent être partagés par d’autres observateurs, nous ne voulons les imposer à personne. Comme nous l’avons écrit dans les livres consacrés en 2003 et 2012 au métro de Guimard, notre architecte n’a pas livré de notice explicative à son œuvre. Ses motifs semi-abstaits parlent à chacun de nous différemment en fonction de notre propre culture, voire de notre propre inconscient.
Les Editions AAM consacrent le dernier ouvrage de leur collection 1900-1930 Art Nouveau – Art Déco à Passy et Auteuil. Ce voyage dirigé par Charlotte Mus et Maurice Culot permet de découvrir les créations des grands architectes de la modernité : Le Corbusier, Hector Guimard, Robert Mallet-Stevens, Henri Sauvage ou des Frères Perret mais aussi des réalisations audacieuses et brillantes pour l’art religieux, des bâtiments industriels. Les magnifiques photographies, les documents d’archives et les textes précis concourent à comprendre et voir les richesses patrimoniales de ces quartiers finalement méconnus.
Le Cercle Guimard a collaboré à cet ouvrage et a proposé une déambulation qui commence par les premières constructions de l’architecte, s’arrête au Castel Béranger, évoque la destruction de la salle Humbert de Romans, ses ateliers, son hôtel particulier de l’avenue Mozart, la construction préfabriquée du square Jasmin et finit par sa dernière demeure parisienne, l’immeuble de la rue Henri Heine.
Une rencontre – signature se tiendra le 03 décembre 2022, à la Librairie Fontaine de 10h30 à 13h, 41 rue d’Auteuil à Paris. Les directeurs de la publication se feront un plaisir de vous présenter leur ouvrage.
Le 22 novembre prochain, Sotheby’s Paris mettra en vente une table remarquable dessinée et signée par Hector Guimard[1]. Le Cercle Guimard propose à toute la famille de l’Art nouveau de lui donner les moyens financiers de l’acquérir.
Ce meuble personnel est à l’image de la première période Art nouveau de l’architecte, la plus exubérante de son œuvre, et qui donna naissance au Castel Béranger (1896-1898), aux entrées du métropolitain (1900) ou à la salle Humbert de Romans (1897-1901). Il se caractérise par un piètement unique, aérien et dansant particulièrement mouvementé mais néanmoins déjà parfaitement maitrisé. Son géométral complexe, perturbant les lois de la statique supporte un plateau marqueté signé d’un monogramme nacré HG. Les nervures ciselées accompagnent et accentuent la fluidité de ses mouvements tandis que les sculptures soulignent les points singuliers de sa structure.
Attaché à ce meuble, l’architecte le conserva à ses côtés tout au long de sa vie, ne s’en séparant que dans les années 1930 avant son départ pour les États-Unis.
Depuis plusieurs années, Le Cercle Guimard a constitué une importante collection d’œuvres : les premiers meubles de l’hôtel Jassedé, des céramiques de l’hôtel Roszé, un portrait dessiné par Adeline Oppenheim, les cours de perspectives donnés à l’École Nationale des Arts Décoratifs en 1897, des dessins originaux de l’architecte mais aussi un grand nombre d’objets et de vestiges d’édifices détruits. Motivée par l’idée de montrer cette table au public, de conserver cette pièce en France et d’enrichir ses collections, l’association prend l’initiative et lance cet appel à la générosité. De surcroît, Le Cercle Guimard est convaincu que cette table aurait toute sa place dans le projet qu’elle porte avec Hector Guimard Diffusion : faire de l’hôtel Mezzara une institution muséale dédiée à Hector Guimard.
La table est estimée entre 40 et 60.000 € hors frais de la maison de vente.
Le Cercle Guimard est reconnue d’intérêt général. Grâce à ce statut, les dons à l’association bénéficient d’une réduction d’impôt[2]. Les modalités de l’opération sont détaillées ici Modalités appel aux dons.
Nous comptons sur votre soutien.
Le Bureau du Cercle Guimard
Notes
[1] Lot n°38 de la vente aux enchères du 22 novembre 2022 (14h30) organisée par Sotheby’s Paris. Le catalogue est en ligne sur le site de la maison de vente.
[2] Pour les particuliers, la réduction d’impôt est de 66 % du montant du don versé. La réduction s’applique dans la limite de 20 % du revenu imposable. Lorsque les dons et versements effectués au cours d’une année excédent la limite de 20 %, il est possible d’étaler l’excédent sur les 5 années suivantes. Pour les personnes morales, la réduction d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés est égale à 60 % du montant des dons dans la limite de 10 000 € ou de 0,5 % du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé. Dans le cas où ce seuil serait dépassé, la loi prévoit de pouvoir reporter l’excédent sur les cinq exercices fiscaux suivants.
Le Cercle Guimard vous propose une nouvelle date de visite à la découverte des œuvres emblématiques d’Hector Guimard dans le 16ème arrondissement.
Attention : les tarifs des visites guidées du Cercle Guimard ont évolué en 2022.
Les visites guidées sont au tarif unique de 20 euros par personne.
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Date / Heure | Événement | Places disponibles |
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sam 25/05/2024 / 10:00 | Visite guidée "Guimard et le métro" | 1 |
sam 15/06/2024 / 10:00 | Visite guidée "Hector Guimard, architecte d'art" | 0 |
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Attention : les tarifs des visites guidées du Cercle Guimard évoluent à partir de l’été 2022. Les visites guidées sont désormais au tarif unique de 20 euros par personne.
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sam 25/05/2024 / 10:00 | Visite guidée "Guimard et le métro" | 1 |
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