Nous publions ci-après un nouvel article de Marie-Claude Paris, professeure émérite et membre de l’équipe de recherche du Laboratoire de Linguistique Formelle à l’Université de Paris Diderot. Ses recherches continuent à éclairer l’entourage et la personnalité d’Hector Guimard. Marie-Claude Paris s’intéresse aujourd’hui aux liens entre Guimard et la famille Chaumier, commanditaire d’une tombe à Bléré, la première en France dans le style Art nouveau. Le hasard a fait qu’au même moment nous étions contactés par des responsables culturels de cette petite ville d’Indre-et-Loire, soucieux de mettre en valeur ce patrimoine. Nous aurons sans doute à reparler prochainement des initiatives qui sont prises localement pour signaler la sépulture Nelly Chaumier et présenter Hector Guimard.
Nous profitons de ce préambule pour rappeler à nos lecteurs que le Cercle Guimard accueille volontiers les articles qui lui sont proposés, qu’ils proviennent de chercheurs indépendants, de chercheurs attachés aux musées ou de chercheurs universitaires comme nous avons eu le plaisir d’en publier. Ce fut notamment le cas d’Isabelle Gournay, docteure en histoire de l’Art de l’Université de Yale et de Lena Lefranc-Cervo, doctorante en Histoire de l’art – Histoire de l’architecture, à l’Université de Rennes 2. Il reste bien entendu que les articles proposés doivent apporter de nouvelles informations, compléter celles qui existent ou permettre de faire évoluer la façon dont Guimard et son œuvre pouvaient être perçus à l’époque ou peuvent l’être de nos jours. Il va sans dire qu’ils doivent être soumis auparavant à notre relecture. C’est ainsi que, grâce à de nombreux contributions de collaborateurs, nous pensons avoir en une vingtaine d’années fait progresser les connaissances et la façon d’appréhender l’œuvre de Guimard tout en la contextualisant de mieux en mieux.
Présentation de la sépulture Nelly Chaumier
Cette tombe a tout d’abord été connue par une série de dessins faisant partie du fonds découvert en septembre 1968 par Alain Blondel et Yves Plantin à l’orangerie du Domaine de Saint-Cloud. Guimard avait obtenu l’autorisation d’y stocker des plans et des objets dans un hangar, à la suite d’une injonction de la veuve de Léon Nozal à la fin de l’année 1918 d’avoir à débarrasser les locaux professionnels qu’il occupait avenue Perrichont. Six dessins (GP 1503, GP 1504, GP 1505, GP 1506, GP 1507, GP 1508) témoignent de cette commande d’une tombe destinée à Nelly Chaumier.
Deux dessins (GP 1503, GP 1504) sont réalisés sur du papier quadrillé de petit format. Ils montrent la tombe vue de face, de profil, de trois quart et du dessus. Le premier porte la mention : « Sépulture Chaumier ».
Trois autres dessins (GP 1507, GP 1506, GP 1507) sont d’une plus grande taille, sur papier calque, à l’encre rouge et au crayon.
Les dessins GP 1503, GP 1504 et GP 1507 montrent une sépulture avec une pierre tombale inclinée et la volonté de lier dans un tout organique ses éléments principaux (stèle, pierre tombale et soubassement). Une grande croix pattée est partiellement dégagée dans l’épaisseur d’une haute stèle de forme arrondie. Ses branches horizontales, en se fondant dans la stèle, donnent l’impression de l’enserrer.
Les dessins GP 1505 et GP 1506 montrent une sépulture différente où les éléments sont moins liés entre eux. La stèle a une forme plus mouvementée pouvant évoquer une cape enveloppant une croix réduite en taille comme s’il s’agissait d’une tête. La pierre tombale n’est plus inclinée mais a acquis un volume presque cylindrique, creusé à sa surface supérieure d’une série de rainures transversales. Ce volume cylindrique est à rapprocher de celui qui sera adopté en 1900 pour la tombe Caillat au cimetière du Père Lachaise. Quant aux rainures elles évoquent celles qui ornent la pierre tombale de la sépulture Giron-Mirel-Gaillard, très classique et sans grand intérêt, construite par Guimard en 1895 au cimetière du Montparnasse. Sur le dessin GP 1505, la face avant, en forme d’oméga est à nouveau ornée d’une croix pattée.
Ces cinq dessins sont de simples esquisses qui ne donnaient aucune certitude quant à la poursuite de la commande. Mais un dernier dessin (GP 1508), réalisé au seul crayon sur papier calque, est d’une nature différente des précédents.
Il montre un lettrage particulièrement net, visiblement destiné à l’exécutant devant le graver sur la tombe, accréditant tout de même l’idée de sa réalisation effective et suggérant que la série des dessins définitifs est manquante dans le fonds de dessins recueilli en 1968. Sur ce GP 1508, le prénom de Nelly (peu courant à l’époque) est mentionné ainsi que les dates de naissance et de décès d’une personne peu âgée (58 ans). L’année 1897 correspond à cette période où Guimard faisait évoluer son nouveau style, passant d’un modelage « informe » à un modelage « mouvant ». À cette date, il travaillait encore sur les décors du Castel Béranger, venait d’achever la villa Berthe au Vésinet (1896) et l’armurerie Coutolleau à Angers (1896) et présentait son Porche d’une grande habitation parisienne en grès cérame à l’Exposition nationale de la céramique au Palais des Beaux-Arts en 1897. Étant donné la concordance stylistique entre les esquisses de la tombe et les réalisations de Guimard à ce moment là, nous sommes d’avis qu’il a été sollicité très peu de temps après le décès de Nelly Chaumier, alors que sa famille ne disposait pas de place dans un caveau. Cependant, sur aucun des documents que nous venons de citer ne figurait la localisation de cette sépulture.
Ce n’est que pendant l’été 2007 que le Cercle Guimard a été averti par une correspondante (Mme Dominique Guillemot) de l’existence d’une tombe signée Hector Guimard à Bléré dans l’Indre-et-Loire, non loin d’Amboise et de Chenonceau. Exécutée en calcaire et placée non loin de l’entrée du cimetière, elle s’est avérée être celle de Nelly Chaumier.
Avec l’arrivée du printemps, Le Cercle Guimard vous propose de nouvelles dates de visites guidées et commentées en 2022 :
Dans l’attente de vous retrouver nombreux autour des œuvres d’Hector Guimard et d’autres architectes encore !
Attention : les tarifs et conditions de nos visites guidées évoluent à partir de l’année 2021/2022 :
– Tarif adhérent : comprend 1 visite guidée dans l’année 2021/2022 au tarif préférentiel de 10 euros, les suivantes visites sont à 20 euros
– Tarif non adhérent : 20 euros par visite
– Tarif réduit : 10 euros pour les étudiants et chômeurs sous présentation d’un justificatif
Merci de cliquer sur l’horaire qui vous convient :
Date / Heure | Événement | Places disponibles |
---|---|---|
sam 25/05/2024 / 10:00 | Visite guidée "Guimard et le métro" | 1 |
sam 15/06/2024 / 10:00 | Visite guidée "Hector Guimard, architecte d'art" | 0 |
Dès ses premières créations architecturales, Guimard a utilisé la céramique et a très rapidement créé de nouveaux modèles dont certains ont été édités. Toujours moderne, il a traduit dans ce matériau l’évolution radicale de son style et a créé des décors et des objets qui figurent parmi les chef-d’œuvres du patrimoine. En employant la lave émaillée dès le Castel Béranger il a magnifié ce matériau rare aux propriétés étonnantes.
Pour la première fois, un ouvrage rassemble et commente toute la production et l’utilisation par Guimard de ces matériaux en les resituant dans leur contexte historique.
L’ouvrage comporte 152 pages, plus de 380 illustrations en grande majorité inédites et une couverture souple rempliée (larg. 26 cm, haut. 32 cm). Le Cercle Guimard vous propose d’acquérir ce livre au prix de 30€.
Pour commander le livre, contactez nous à l’adresse infos@lecercleguimard.fr
Ci-dessous quelques pages du livre à feuilleter :
Le livre est disponible dans les librairie suivantes :
Librairie le Cabanon : 122 rue de Charenton, 75012 Paris
Librairie du musée d’Orsay : esplanade Valéry Giscard d’Estaing, 75007 Paris
Librairie du Camée : 70 rue Saint André des Arts, 75006 Paris
Librairie Mollat : 15 rue Vital-Carles, 33000 Bordeaux
Après quelques mois d’absence et suite à la remise en route de notre site internet, Le Cercle Guimard vous propose deux nouvelles dates de visites guidées et commentées cette fin d’automne :
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Dans l’attente de vous retrouver nombreux autour des œuvres d’Hector Guimard et bien d’autres encore !
Attention : les tarifs et conditions de nos visites guidées évoluent à partir de l’année 2021/2022 :
– Tarif adhérent : comprend 1 visite guidée dans l’année 2021/2022 au tarif préférentiel de 10 euros, les suivantes visites sont à 20 euros
– Tarif non adhérent : 20 euros par visite
– Tarif réduit : 10 euros pour les étudiants et chômeurs sous présentation d’un justificatif
Merci de cliquer sur l’horaire qui vous convient :
Date / Heure | Événement | Places disponibles |
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sam 25/05/2024 / 10:00 | Visite guidée "Guimard et le métro" | 1 |
sam 15/06/2024 / 10:00 | Visite guidée "Hector Guimard, architecte d'art" | 0 |
Derniers jours pour bénéficier du prix de lancement par souscription (25 €) du livre Georges Malo, architecte.
Passé ce délai, l’ouvrage sera vendu au prix public de 29 euros.
Vous trouverez tous les détails dans le bon de souscription en pièce jointe ainsi que quelques pages du livre à feuilleter ci-dessous.
Par ailleurs, le vernissage de l’exposition : Georges Malo (1866-1924), architecte vincennois, aura lieu le jeudi 25 novembre à 18h30, rue intérieure du Cœur de Ville à Vincennes. Il sera suivi d’une conférence de l’auteur Olivier Barancy et d’une séance de dédicace. L’exposition se poursuivra jusqu’au 3 janvier 2022.
Une seconde rencontre sera organisée le samedi 11 décembre dans l’ancienne agence d’Hector Guimard au Castel Béranger, 14 rue Jean de La Fontaine. Nous reviendrons bientôt vers vous pour les détails pratiques de ce second événement.
Ma grand-mère maternelle, Suzanne Richard, a travaillé auprès d’Hector Guimard de 1911 à 1919 au 122 rue Mozart à Paris. De cette collaboration sont restés quelques souvenirs.
Suzanne est née à Paris le 28 février 1894 au domicile familial, 18 rue des Archives. Son père Adrien était employé de commerce et son épouse, née Angèle Christe, couturière. Quelques années plus tard, le couple s’est installé à Ivry-sur-Seine pour y tenir un commerce de vins, bar et restaurant en bord du fleuve, à l’angle du quai d’Ivry et de la rue Victor Hugo.
Comme tous les riverains, ils ont été fortement impactés par la crue de la Seine de janvier 1910.
Suzanne a terminé ses études l’année suivante et s’est vue engagée, alors qu’elle n’avait que 17 ans, comme secrétaire sténodactylo par Hector Guimard en 1911. Hector Guimard était alors au faîte de sa renommée et c’est un homme de 44 ans qu’a découvert la jeune Suzanne.
Avant cette date, Guimard louait les locaux de son agence d’architecture au rez-de-chaussée et son appartement au second étage du Castel Béranger, sa première œuvre dans le style Art nouveau, dans le XVIe arrondissement de Paris. Mais en 1911, l’architecte a commencé à occuper sa nouvelle agence, au rez-de-chaussée du petit hôtel particulier qu’il s’est construit à peu de distance, au 122 avenue Mozart, sur une parcelle triangulaire particulièrement ingrate. Il en a débuté la construction en 1909, au lendemain de son mariage avec l’artiste-peintre d’origine américaine Adeline Oppenheim, fille d’un banquier juif de New York. Les époux ne se sont installés vraiment dans l’hôtel qu’en 1913, occupant le premier et le second étage. Adeline avait son atelier de peinture au troisième, éclairé au nord par une grande baie. Cet immeuble est jusque dans ses moindres détails un des ouvrages les plus aboutis du « Style Guimard », remarquable notamment par la répartition des fenêtres et balcons dictée par le plan intérieur.
Au moment où Suzanne Richard a été embauchée, Guimard avait de nombreux chantiers en cours, réalisés dans le style assagi qui était devenu le sien, moins coloré, plus calme et plus élégant, profitant des nombreux articles de bâtiments (fontes ornementales, modèles de staff, quincaillerie, etc.) qu’il faisait éditer auprès de fabricants. Avant la Première Guerre mondiale, son agence a édifié à Paris l’hôtel Mezzara au 60 rue La Fontaine (1910-1912), la synagogue de la rue Pavée (1914), l’hôtel Nicolle-de-Montjoye 7 rue Pierre-Ducreux, aujourd’hui rue René Bazin (1914), l’immeuble Franck 10 rue de Bretagne, (1914-1920) et à Saint-Cloud, la villa Hemsy (1913).
D’autre part, vers 1909, Guimard s’est résolu à devenir également un promoteur immobilier, profession que le code de déontologie des architectes (le Code Guadet, adopté en 1895) lui interdisait théoriquement. Il est ainsi devenu actionnaire et président de la Société Générale de Constructions Modernes, domiciliée chez lui au 122 avenue Mozart. La réalisation la plus ambitieuse de cette société a été la construction de 1909 à 1911 de six immeubles se répartissant en deux groupes mitoyens : 43 rue Gros,17, 19 rue La Fontaine, d’une part et 8, 10 rue Agar, 21 rue La Fontaine, d’autre part. L’ensemble se situe de part et d’autre de la rue Moderne nouvellement créée, rebaptisée rue Agar du nom de la tragédienne qui a habité Auteuil à la fin de sa vie de 1870 à 1880 (dans l’immeuble mitoyen à droite de l’hôtel Mezzara).
Dans son livre consacré à Guimard paru dans la collection Découvertes Gallimard, Philippe Thiébaut écrit :
« [l’affirmation de la verticalité] triomphe dans l’ensemble de la rue La Fontaine où rien ne vient interrompre l’élan fluide et vigoureux des travées, en particulier dans celles des bow-windows. Cet élan naît au premier niveau d’un arc issu du gothique flamboyant qui dessine la porte d’entrée et s’achève par le jeu pittoresque et complexe où intervient le bois – des auvents, des toitures et des lucarnes. Le décor sculpté se soumet lui aussi aux impératifs d’asymétrie et de verticalité, mais de manière moins agitée et moins chiffonnée qu’au Castel Béranger. Plus de diables, plus de reliefs excessifs, mais de simples nervures et de fins enroulements aux extrémités bourgeonnantes. Les motifs légèrement galbés des balcons épousent le mouvement ondulatoire des façades, sans jamais nuire à leur rythme ascensionnel ».
Comme au Castel Béranger, pour des appartements qui étaient destinés à être loués, Guimard a pris en charge le décor fixe (cheminées, menuiseries, miroirs, moulures en staff). Et comme il l’a fait pour d’autres œuvres, il a médiatisé ce chantier, notamment par l’édition de nombreuses cartes postales dont Suzanne Richard gardait des exemplaires par devers elle. On peut lire aussi dans La Construction moderne du 10 novembre 1912 :
« On a inauguré dimanche la rue Agar, à l’entrée de laquelle un médaillon d’une belle et émouvante sobriété rappelle les traits de l’illustre tragédienne… Une estrade avait été dressée, abritée de drapeaux, entourée de plantes vertes. Alentour, toutes les fenêtres des nouveaux immeubles étaient fleuries, tous les balcons garnis de touffes de chrysanthèmes. Il semblait que les habitants, qui depuis peu sont entrés dans ces maisons neuves, eussent voulu par là prouver leur gratitude à l’architecte. Ils le peuvent ; nous avons visité quelques appartements : leur distribution pratique et confortable convient absolument aux exigences de la vie actuelle. Leur décoration, empreinte de ce caractère nouveau qu’ont toutes les œuvres de M. Guimard, est sobre et jolie ; les débauches de ce qu’on a appelé le « Modern Style » sont oubliées. M. Guimard après quinze ans d’effort, ayant épuré son dessin et simplifié ses lignes, paraît en possession de ce qu’il cherchait. »
Hector Guimard était un patron proche de son personnel, témoin cette carte postale écrite sur le paquebot RMS Lusitania & Mauretania de la Cunard qui le conduisait en Angleterre en 1912 et qu’il a envoyée au « Personnel des/bureaux Guimard/120 rue Mozart/Paris XVIe/France » :
« Sur ce bateau qui marche depuis 3 heures, je vous envoie tous mes regrets de vous avoir quittés et mon désir de vous retrouver bientôt pour vous remercier de votre dévouement et vos bons soins. Hector Guimard. »
Second exemple de sa sollicitude, le 16 février 1914 [1]), il a envoyé de Gstaad en Suisse à « Mademoiselle Suzanne Richard/Bureau de Mr H. Guimard/122 av. Mozart/Paris France », sur une carte postale représentant un skieur dans les montagnes enneigées, le mot suivant :
« Voilà où je vous enverrai prendre vos vacances lorsque nos entrepreneurs vous auront trop fait faire de mauvais sang. J’espère revenir complètement d’aplomb et que tous 4 nous saurons nous rendre agréables à tous en menant avec succès nos affaires. Souvenir affectueux. HG. »
Comme l’agence de Guimard gérait les appartements du groupe d’immeubles des rues Gros, La Fontaine, Agar, il est probable que Suzanne a pu disposer de facilités de logement dans des appartements vacants. Elle a ainsi logé au 7 rue Agar autour de mars 1918 où elle recevait les courriers de son fiancé Pierre Loilier[2].
Les deux immeubles du 7 et du 9 rue Agar[3] sont d’un niveau de prestige moindre que ceux des rues Gros et La Fontaine. Ils n’ont pas d’escalier de service et comportent trois appartements par étages. Outre la salle-à-manger, chaque appartement ne dispose que d’une chambre, sauf au 7 où l’un des trois appartements de chaque étage en a deux.
Suzanne entretenait sans aucun doute d’excellentes relations avec le couple Guimard. Pour preuve, l’artiste-peintre américaine a réalisé son portrait qu’elle lui a offert au moment de son mariage le 30 juillet 1918. Le dessin est présenté dans un cadre en bois réalisé par Hector Guimard, dans son style bien reconnaissable[4].
Ce mariage a eu lieu à la mairie du XIIIe arrondissement à Paris.[5]
L’un des témoins de mariage de Suzanne Richard n’était autre qu’Hector Guimard.
Le jeune couple a ensuite brièvement occupé un atelier d’artiste au 6ème étage de l’immeuble du 19 rue La Fontaine de juin à octobre 1918. Suzanne le signale dans l’une des cartes photos qu’elle possédait. Ce type de logement devait particulièrement plaire à Pierre Loilier qui dessinait et peignait.
Ils ont ensuite été logés dans un appartement au second étage du 9 rue Agar jusqu’au début de 1919, ainsi que le montre Suzanne sur une carte postale de la série éditée par Guimard. Elle a indiqué fautivement au dos de la carte qu’il s’agissait du 7.[6]
Puis ils ont définitivement quitté Paris pour se fixer dans un premier temps à Sannois (en Seine-et-Oise, actuellement dans le Val d’Oise) où est né leur premier enfant, Jean, le 26 octobre 1919. Une fois la ferme de Bellevue appartenant à Charles Loilier remise en état après les importantes destructions subies par le village de Neufchâtel-sur-Aisne (dans l’Aisne) à la fin de la guerre, le couple a emménagé dans les annexes habitables. Leur deuxième enfant, Madeleine (ma mère), y a vu le jour le 11 juin 1923, quelque temps avant la fin de la reconstruction de la ferme. Pour Suzanne, il s’est agi d’un complet changement de vie : la jeune parisienne est devenue femme d’exploitant agricole…
Par la suite, après avoir quitté la ferme, le couple Loilier a habité à Menneville, près de Neufchâtel, dont Pierre a été maire pendant près de quarante ans. Parallèlement, ils occupaient à Reims, 5 rue Noël, l’appartement du père de Pierre, Charles, décédé en 1943, qu’ils ont vendu pour en acheter un autre 14 rue des Élus au début des années 60. Suzanne est décédée dans cette ville, bien plus tard, le 14 mars 1978 à 84 ans
Hervé PAUL
avec les contributions de Frédéric Descouturelle et de Marie-Claude Paris
Notes :
[1] Communication de M. Montamat.
[2] Pierre Loilier était le fils aîné de Charles Loillier, un négociant en laine rémois, et d’Octavie Delpoux. Il est né à Reims le 8 avril 1891. Suzanne a été sa marraine de guerre avant de devenir sa fiancée.
[3] Les immeubles du 7 et 9 rue Agar ont par la suite été renumérotés 10 et 8, mais le 8 a conservé sa plaque de numéro de maison « 9 » en « fonte Guimard ».
[4] Lors de l’exposition d’Adeline Guimard à Paris à la Galerie Lewis & Simmons, du 12 au 27 Janvier 1922, le portrait aux crayons de couleurs n° 28 mentionne « Mme Loilier à Reims. »
[5] Les adresses des époux qui figurent sur l’acte de mariage sont en fait celles de leurs parents respectifs : rue du Château-des-rentiers pour elle, et boulevard Saint-Marcel pour lui. Charles Loilier, le père de Pierre avait en effet dû quitter Reims dès le début de la guerre. Ses entrepôts de laine avaient brûlé le jour même de l’incendie de la cathédrale le 19 septembre 1914.
[6] Cette erreur s’explique par le fait qu’au moment où elle a rédigé ces annotations, Suzanne s’est sans doute référée à une autre carte postale de la même série qu’elle possédait où figure le plan initial de l’ensemble immobilier. Or ce plan n’est pas celui du programme qui a été effectivement réalisé, mais celui du plan initial de Guimard de 1911 où les deux immeubles du 7 et du 9 étaient inversés, avec le plus étroit (le 7) se trouvant à gauche et le plus large (le 9) à droite. Nous ne pourrons pas savoir s’il s’agissait d’un logement différent de celui de mars 1918 au 7 rue Agar (si l’adresse de l’enveloppe était alors correcte) ou bien du même logement (si l’adresse de l’enveloppe était erronée).
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Vous vous êtes sans doute rendus compte que le rythme de parution de nos articles s’était considérablement ralenti depuis le début du mois de septembre. Nous avons en effet été confrontés à la soudaine impossibilité de l’envoi des mails d’alertes signalant les parutions des nouveaux articles. Ceux-ci pouvaient toujours être publiés sur notre site mais vous ne pouviez plus en être avertis. La compréhension du dysfonctionnement a été difficile et nous sommes seulement en train d’y remédier.
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Cette panne nous a empêché de vous avertir de notre participation aux Journées Européennes du Patrimoine pendant lesquelles nous avons présenté au public l’ancienne agence d’architecture de Guimard au Castel Béranger. Malgré cela, nous avons eu une fréquentation tout à fait satisfaisante, notamment par les habitants du quartier. Nous renouvellerons bientôt cette présentation sous d’autres formes et vous en serez avertis.
En attendant, ne manquez pas de consulter sur notre site l’excellent article de Mme Isabelle Gournay, Les multiples Auteuils de Guimard, originellement paru dans le catalogue des expositions américaines consacrées à Guimard. Il a été traduit en français et nous avons eu le plaisir d’y apporter quelques petits compléments.
Le bureau du Cercle Guimard
Les dates de la double exposition américaine consacrée à Guimard ont été fixées comme suit :
* New York – Cooper Hewitt, Smithsonian Design Museum : How Paris Got Its Curves.
Du 17 novembre 2022 au 21 mai 2023.
* Chicago – The Richard H. Driehaus Museum : Hector Guimard: Art Nouveau to Modernism
Du 22 juin 2023 à début janvier 2024.
En attendant, le catalogue, édité par Yale University Press, New Haven and London en association avec le Richard H. Driehaus Museum, est disponible sur commande, chez les libraires ou par internet. Il s’agit d’un beau livre de 222 pages, très illustré, contenant des articles de premier plan, réunis par David A. Hanks.
Parmi ces articles, nous avons choisi de traduire celui de Mme Isabelle Gournay (pp. 42-53) que nous avions eu le plaisir d’accueillir au Castel Béranger lors de son passage à Paris avant le premier confinement. De nationalité française et vivant aux États-Unis, elle est diplômée en architecture par l’École nationale des Beaux-Arts de Paris et docteure en histoire de l’Art de l’Université de Yale.
Cet article, consacré aux multiples facettes du quartier d’Auteuil, berceau de l’œuvre de Guimard, complète de façon très heureuse la série d’articles que nous avons publiés ces dernières années concernant l’entourage familial, relationnel et professionnel de Guimard :
Protéger le patrimoine Art nouveau parisien : initiatives et réseaux dans l’entre-deux-guerres
Hector Guimard et la famille Nozal, première partie
Hector Guimard et la famille Nozal, seconde partie
Albert Adès, un écrivain égyptien juif francophone dans l’entourage d’Hector et d’Adeline Guimard.
Les relations amicales du couple Guimard-Oppenheim en 1908-1909
De Lyon à Paris, Hector Guimard et ses proches : famille, voisins et clients
Les architectes Guimard réunis par la famille Oppenheim
De nouvelles informations sur la sépulture Grunwaldt
Pour cette traduction française, réalisée par notre ami Alan Bryden, nous avons pu apporter quelques petits éléments complémentaires au texte de Mme Gournay qui les a acceptés avec libéralité. Pour les illustrations, nous avons remplacé certaines images du catalogue par des vues en cartes postales et nous avons refait le plan du quartier d’Auteuil en respectant l’idée de l’auteure de plusieurs regroupements de constructions de Guimard, tout en introduisant pour la première fois la localisation de ses domiciles successifs.
F. D.
Les multiples Auteuils d’Hector Guimard
La carrière d’Hector Guimard (1867-1942) s’est déroulée à Auteuil, et c’est dans ce quartier le plus méridional du XVIe arrondissement que se trouvent la majorité de ses bâtiments encore existants. À dix-huit ans, il décida de ne plus habiter chez ses parents dans le XVIIe arrondissement ou près de ses écoles (des Arts Décoratifs et des Beaux-Arts) sur la rive gauche. Il s’installa chez sa marraine, Appolonie Grivellé[1], au 147, avenue de Versailles, et demeura à Auteuil jusqu’à son émigration en Amérique en 1938. Cet enracinement fut un facteur décisif dans une double carrière de praticien local et d’« architecte d’art » aux ambitions internationales, apôtre incontournable de l’« art total » [2]. La bourgeoisie catholique possédant des terrains à Auteuil fit localement appel à Guimard, pour ses résidences privées et des immeubles de rapport, mais aussi pour des monuments funéraires et des villas de banlieue ou de bord de mer. Comme le prouvent les débuts de Frank Lloyd Wright (1867-1959) à Oak Park, près de Chicago, à la même époque, recruter ses clients parmi des voisins partageant les mêmes idées, ou y étant simplement ouverts, n’était pas une démarche inhabituelle pour un architecte progressiste établissant sa propre agence.
Au-delà de sa réputation actuelle de traditionalisme huppé, Auteuil est un palimpseste fascinant, une superposition de « lieux de mémoire » datant de l’ancien régime aux Années Folles, de l’hôtel particulier où Abigail et John Adams[3], fuyant l’agitation de Paris, choisirent de vivre avec leurs deux fils, à la maison conçue par Le Corbusier (187-1965) pour le collectionneur Raoul La Roche. Cet héritage architectural et urbanistique aux multiples facettes nous permet également de contextualiser le travail de Guimard, dont les secteurs d’activité forment différents périmètres.[4]