Nous avons déjà mentionné ce type d’horloges suspendues, dite « horloges boulangères », lors du commentaire de la vente Sotheby’s Paris du 16 février 2013, qui en présentait une. Attribuée à Guimard, elle s’était vendue 10 000 €, prix sans doute le plus élevé obtenu pour l’une de ces horloges. Nous avions alors la conviction qu’elle n’était pas de Guimard.
Quelques recherches qui se sont étalées sur plusieurs années nous permettent à présent de mieux cerner ces objets. En observant les exemplaires attribués à Guimard on peut les répartir facilement en deux catégories : les grands modèles à boîtier métallique et les petits modèles à boîtier en faïence.
Quoique parfois différents entre eux, les exemplaires que nous connaissons possèdent un certain nombre d’éléments communs, propres aux horloges boulangères, qui leur donnent un air de famille. Leurs chaînes ont des maillons semblables faisant alterner un maillon rond et un maillon plat rectangulaire festonné. Au centre de cette chaîne un grand maillon central ou un motif néo-Louis XV sert à la fixation murale.
Les extrémités de la chaîne s’insèrent sur des éléments décoratifs en bronze doré. Ces éléments latéraux, symétriques entre eux, sont complétés par un élément apical et un élément basal, et sont fixés sur un boîtier d’horloge. Les cadrans en métal émaillé ont toujours des chiffres arabes et sur la plupart des exemplaires les aiguilles sont semblables ou proches.
Parmi ces grands modèles (hauteur 45 ou 47 cm, largeur 38 cm) on trouve des baromètres, conçus pour faire pendant aux l’horloge. Ils ont une profondeur moindre que celles des horloges.
Tous les grands modèles sont montés sur des boîtiers d’horloge en cuivre affectant la forme d’un simple cylindre.
À la suite d’une probable erreur de remontage, l’un des exemplaires que nous connaissons a ses éléments décoratifs métalliques du haut et du bas inversés par rapport aux autres. Tous les cadrans (à l’exception de l’un d’entre eux qui a été refait) ont un décor identique avec une couronne de petites feuilles se mêlant aux points des minutes et possèdent des chiffres semblables. Certains présentent des inscriptions comme « PARDIEU/Agen », « G. CUSPINERA/BARCELONA » et « À LA GERBE d’OR/A. Simonin/Grenoble » qui sont des noms de bijoutiers-horlogers revendeurs. Dans ce dernier cas, la raison sociale « À LA GERBE d’OR » n’est pas comme on pourrait le croire celle d’une boulangerie, mais celle d’une chaîne de magasins de bijouteries implantés dans de nombreuses villes françaises et dont la maison principale est à Paris, rue de Rivoli. On voit aussi que leur exportation s’est faite jusqu’en Catalogne, terre favorable à l’Art nouveau comme on le sait.
Les quatre décors métalliques des petits modèles (largeur environ 27 cm, hauteur environ 34 cm) sont entièrement différents de ceux des grands modèles. Ils sont toujours montés sur un boîtier en faïence rond et bombé présentant une découpe à l’avant pour le cadran et une autre à l’arrière pour le passage du mécanisme. Ces boîtiers sont des commandes spéciales passées auprès d’un céramiste. L’un des exemplaires connus appartenait à la collection de la Macklowe Gallery à New York (2004). Sa notice donnait comme provenance du boîtier la faïencerie Keller & Guérin, grande manufacture de céramique artistique de Lunéville, près de Nancy. Un autre exemplaire s’est vendu chez Ader à l’hôtel Drouot le 14 juin 2013.
Plus récemment, un petit modèle à la faïence identique à celui de la Macklowe Gallery est passé en vente à Drouot.
Il est bien évident que les attributions à Guimard qui ont fleuri à propos de ces horloges ne se sont fondées que sur l’aspect des éléments décoratifs fixés sur les boîtiers. Sans eux, l’objet perd tout caractère Art nouveau car rien, ni dans le décor à motif de petites feuilles du cadran, ni dans le dessin des chiffres, ni dans la forme des aiguilles n’indique une participation de Guimard à sa conception. Seules les faïences à décor floral des petits modèles attestent une influence Art nouveau, dans la mouvance de l’École de Nancy.
En revanche, les formes complexes des décors métalliques, asymétriques, mouvants et continus, ont une réelle élégance et sont visiblement inspirées par le style de Guimard. Mais elles présentent néanmoins un aspect plus naturaliste, évoquant plutôt des branchages entrecroisés, s’éloignant des motifs décoratifs de Guimard à toutes les étapes de son évolution stylistique.
Et surtout, il n’est pas dans l’habitude de Guimard d’ajouter des éléments adventices de son cru à des objets manufacturés déjà porteurs de leur propre décor. Ses créations sont toujours une reconstruction complète de l’objet à concevoir.
Lors d’une vente à Drouot d’une semblable horloge dans les années 1990, la légende faisait état de la présence de ce type d’horloge au sein des pavillons du métro construits par Guimard ou au sein d’autres stations de métro. S’il est vraisemblable que la CMP ait installé des horloges dans ses salles de guichets, on imagine mal qu’elle ait disposé des modèles artistiques aussi faciles à subtiliser. Jusqu’ici aucune allusion à de semblables horloges n’a pu être retrouvée dans les archives de la RATP, ni aucune photographie ancienne prouvant leur présence dans le métro. Tout en mentionnant bien dans ses notices que l’objet est « d’après Guimard » la maison de vente Ader a continué à colporter cette légende en affirmant : « Selon plusieurs documents écrits, des versions identiques de cette pendule réalisées en très grand format, auraient figuré dans le Métro parisien au début du XXe siècle. » (ventes du 14 décembre 2011, du 25 mai 2012 et du 14 juin 2013). Et pour mieux encore accréditer cette filiation, les photographies détourées de l’horloge et du baromètre de la vente du 14 décembre 2011 sont superposées à des reproductions tirées de l’album du Castel Béranger. Une seule maison de vente — Christie’s — a mentionné que l’horloge était « d’après Guimard » pour la vente du 11 février 2003 à Londres en indiquant « after a design by Hector Guimard ». Mais lors de sa vente du 29 octobre 2009 à Londres, Christie’s oubliait cette précaution et redonnait pleinement l’attribution à Guimard. Le petit modèle vendu par Leclère à Drouot en janvier 2017 affichait un plus prudent « Guimard dans le goût ». Faut-il y voir l’effet de la première version de cet article sur notre site ?
L’un de nos correspondants en Belgique, M. Jean-Luc Delval, nous a éclairé sur la démarche du constructeur de ces horloges en nous fournissant ces photos recto et verso d’une horloge petit modèle au décor différent :
On remarque tout de suite la parenté de construction de cette horloge avec celles en pseudo « Guimard » qui nous préoccupent. Et l’on comprend que le fabricant ne s’est évidemment pas limité au style Art nouveau. Il a aussi assemblé des horloges dans d’autres styles. Celle-ci, néo-baroque, nous rappelle la présence sur certaines horloges de style Art nouveau du motif néo-Louis XV de la fixation murale.
Malheureusement, le logo gravé au revers du mécanisme ne nous donnait pas d’indication précise quant à sa provenance et la faïence ne portait pas non plus de marque.
En réalité, ces horloges boulangères de divers styles ont été bien plus nombreuses que celles de style Art nouveau. On en retrouve sans difficulté sur Internet, provenant du même fabricant, comme celle-ci (invendue sur eBay à 380 € le 29 septembre 2013) qui présente le même boîtier en faïence que celle de la vente Ader, Paris, du 14 juin 2013,
ou celle-ci dont le boîtier en faïence est octogonal.
D’autres fabricants ont produit des horloges boulangères dans la même veine, souvent moins luxueuses. Mais ce n’est que très récemment, grâce à d’autres correspondants qui nous ont envoyé des photos, que nous avons enfin pu identifier leur principal producteur.
Tout d’abord, l’une de nos correspondantes nous a envoyé une vue rapprochée du mécanisme de son horloge.
Le logo gravé était le même que celui de l’horloge de M. Delval.
Nous avons alors interrogé Michael Schrader, l’un de nos adhérents allemands, qui est collectionneur de pendules art nouveau. Il a tout de suite identifié la marque comme étant celle du fabricant de mécanismes Eugène Farcot (1850-1896) qui avait sa société rue des Trois-Bornes à Paris.
Très connu à la fin du XIXe siècle, Farcot avait exposé de monumentales horloges à pendule aux expositions de 1878 et 1889. Mais qu’il soit le fabricant des mécanismes ne signifiait pas qu’il était aussi le concepteur et l’assembleur de ces horloges boulangères. Cependant, Michael Schrader a pu rapidement découvrir qu’il existait des cartels montés sur faïence qui portaient la marque Farcot.
De plus, ces cartels avaient le même cadran bien reconnaissable que celui de l’horloge boulangère vue plus haut. Il s’agissait donc bien d’une horloge assemblée et vendue par Farcot.
Mieux encore, cette publicité de Wandenberg, gendre et successeur de Farcot, mentionne bien des « faïences montées » et des « cartels à chaînes ».
L’illustration de la publicité montre d’ailleurs une horloge de cheminée qui est une faïence montée, équivalente à cette horloge.
À chaque fois, le bronze supérieur est identique et se retrouve sur plusieurs modèles de ces horloges boulangères.
Nous ne saurons sans doute jamais qui était le fondeur qui fournissait Farcot pour les bronzes, y compris les bronzes en « genre Guimard ».
En revanche, nous avons pu retrouver le fabricant des faïences grâce à un cinquième correspondant, M. Philippe Michaud, qui ayant démonté son horloge boulangère…
… a pu photographier à l’intérieur de la faïence la marque du céramiste.
Il s’agit de la société Hippolyte Boulenger à Choisy-le-Roi, grosse entreprise de céramique industrielle et artistique qui a notamment fourni les carreaux biseautés du métro. L’attribution à Keller & Guérin de la faïence de l’exemplaire de la Macklowe Gallery est donc sans fondement.
L’idée que l’expression « horloge boulangère » ait dérivé du nom du céramiste Boulenger vient alors immédiatement à l’esprit. L’hypothèse est séduisante mais cependant, nous ne croyons pas qu’elle soit exacte. Dans ses publicités, la maison Farcot utilise le terme de « cartels à chaîne » et non celui « d’horloges boulangères » et ne met pas en avant le nom du céramiste qui reste bien caché à l’intérieur. Au contraire, elle n’hésite pas à faire apposer sa propre marque sur certains cadrans en faïence. Elle n’est donc sans doute pas à l’origine de l’expression « d’horloge boulengère » qui se serait transformée en « horloge boulangère ». Quant au public, il n’avait pas les moyens d’identifier le nom du céramiste. Une autre hypothèse voudrait que ce type d’horloges ait été utilisé dans des commerces et préférentiellement des boulangeries. Si ces horloges, assez délicates et mieux à leur place dans un salon, ont effectivement pu être placées aux murs de certaines boutiques, il n’y a pas de raison qu’elles aient été spécifiques des boulangeries.
L’origine de ces horloges Farcot ayant été établie, il n’y a plus aucune raison de lire des notices de vente fantaisistes les présentant comme étant « de Guimard », « d’après Guimard » ou « dans le goût de Guimard ». Il s’agit tout simplement d’horloges Farcot de style Art nouveau.
Frédéric Descouturelle
Un grand merci à tous nos correspondants sans qui il n’aurait pas été possible de progresser.
Bien conscient qu’on ne change que progressivement des habitudes d’attribution, depuis la publication de cet article nous intervenons de temps à autres auprès des maisons de vente qui attribuent encore ce type d’horloge à Guimard.
Les attributions ont été modifiées de bonne grâce
– oralement à la vente de la maison Leclere à Drouot le 20 janvier 2017 (lot 12).
– sur le catalogue en ligne de la vente de la maison Bournier & Ardennes Enchères à Charleville-Mézières le 23 juin 2018 (lot 108).
Nous ne sommes pas intervenu auprès de la maison de ventes Debaecker & Richmond à Saint-Martin-Boulogne dans le Pas de Calais. Lors de la vente du 12 octobre 2019, au n° 158, ils proposaient une horloge Farcot « dans le style de Guimard » mais — le manque d’imagination étant sans limite — l’intitulaient « Pendule Art Nouveau Castel Béranger »…
D’autres annonces postérieures à la rédaction de l’article nous permettent de mieux décrire ces horloges.
En novembre 2020, un grand modèle en version baromètre, semblable à celui que nous présentons en début d’article, a été mis en vente sur eBay.
Prudemment intitulé « BAROMETRE ANEROIDE BRONZE Selon inspiration HECTOR GUIMARD Art nouveau », il était présenté avec de nombreuses photos où notre attention a été attirée par un détail que nous avions négligé : le lettrage de style Art nouveau qui est employé pour tous les cadrans décorés de petits feuillages, quel que soit le nom du revendeur mentionné sur ces cadrans (Cie des Bronzes/Lille, PARDIEU/Agen, G. CUSPINERA/BARCELONA, À LA GERBE d’OR/A. Simonin/Grenoble). Il est donc probable que tous ces cadrans, y compris ceux destinés à des revendeurs, sont émaillés à la demande par la maison Farcot (ou son fournisseur) dès leur commande. Dans ces lettrages qui paraissent mêler plusieurs sources, on voit que seuls certains « E » semblent inspirés de ceux qu’on voit sur les enseignes « METROPOLITAIN » en lave émaillée. Les autres lettres sont plus « ramollies ».
Les photos accompagnant ce baromètre montraient également la fixation des décors en bronzes sur le boitier en cuivre.
Route du Modernisme
Depuis 2006, le Cercle Guimard adhère à la Route européenne de l’Art nouveau, équivalent international de la Ruta del Modernisme, institut catalan de promotion de l’Art nouveau à Barcelone ; Informations et actualités paraissent dans leur revue, Coup de Fouet.
Réseau Art Nouveau Network
Depuis 1999, un réseau international, engagé dans la protection et la promotion du patrimoine Art nouveau européen, se veut le point de ralliement de toutes les villes, institutions et associations du continent concernées par la question ; à consulter : la rubrique Agenda.
Si l’œuvre d’Hector Guimard ne s’admire encore aujourd’hui que depuis la rue, c’est également le cas d’une bonne partie du patrimoine bâti par ses pairs. Voici un aperçu – inévitablement restreint – de l’architecture Art nouveau qui se laisse déjà visiter en Europe…
Musée Horta
A Bruxelles, la maison et l’atelier construits par Victor Horta pour son propre usage, ouverts au public dès 1969, font figure de pionniers en la matière ; le site consacre aussi une page à l’association des Amis du Musée Horta.
Hôtel van Eetvelde
Cette réalisation, qui s’inscrit dans la grande période créatrice d’Horta, n’est accessible qu’en s’inscrivant aux promenades thématiques de l’ARAU de Bruxelles.
Hôtel Solvay
Il est possible de visiter l’un des plus somptueux édifices d’Horta, magnifiquement entretenu par la famille Wittamer depuis 1957, sur réservation et pour des groupes d’une vingtaine de personnes.
Maison Autrique
Récemment restauré, l’édifice de transition qui précède immédiatement l’hôtel Tassel d’Horta est aujourd’hui ouvert au public.
Maison Cauchie
Vers 1980, Guy Dessicy, un des premiers collaborateurs d’Hergé, sauve de la ruine l’œuvre manifeste de Paul Cauchie et la restaure patiemment ; elle est aujourd’hui ouverte à la visite tous les premiers week-ends de chaque mois.
Hôtel Hannon
Construit par Jules Brunfaut pour un associé d’Armand Solvay, il abrite aujourd’hui l’Espace Photographique Contretype.
De Ultieme Hallucinatie
Le célèbre restaurant où l’on peut, en plus des plaisirs de la table, apprécier l’un des plus beaux décors Art nouveau de Bruxelles.
Villa Jika
Construite par Henri Sauvage pour l’ébéniste Louis Majorelle, la plus belle villa Art nouveau de Nancy est accessible à la visite sur réservation.
Brasserie Excelsior
Le célèbre restaurant nancéen, point de convergence des talents de Weissenburger, Grüber et Majorelle, reste un des endroits les plus emblématiques du Nancy 1900.
Gaudí & Barcelona Club
Les œuvres majeures du chef de file du Modernismo catalan et leurs conditions de visite sont ici répertoriées par une association assurant la promotion de son œuvre.
Casa Batlló
A l’occasion du centenaire de sa construction, ce joyau de la grande période créatrice de Gaudí est enfin accessible au visiteur.
Casa Milà
Ouverte au public depuis 1987 par les bons soins de la Caixa Catalunya, la dernière réalisation profane de Gaudí attire près d’un million de visiteurs par an.
Palau de la Musica
A l’instar du palais Garnier à Paris, il est possible à Barcelone de visiter le rutilant chef-d’œuvre de Domènech i Montaner.
Villa Igiea
Aujourd’hui reconvertie en hôtel de luxe, l’œuvre d’Ernesto Basile, à Palerme, a gardé sa belle salle-à-manger Art nouveau.
Nietzsche-Archiv
La visite des Archives Nietzsche, à Weimar, permet d’apprécier un des aménagements intérieurs les plus subtils et les plus achevés d’Henry van de Velde.
Villa Stuck
La somptueuse villa du peintre fondateur de la Sécession munichoise sert aujourd’hui de cadre à de nombreuses expositions – l’une d’elles, en 1999, a eu pour sujet le Castel Béranger.
Secessions gebäude
L’œuvre-symbole de la Sécession viennoise, conçue par Joseph Maria Olbrich, est encore aujourd’hui dédiée à l’actualité artistique contemporaine ; on peut toujours y admirer la célèbre Frise Beethoven de Gustav Klimt.
Wagner Villen
Les somptueuses villas que le chef de file de la Sécession viennoise, Otto Wagner, s’est construit pour lui-même, abritent maintenant le musée du peintre surréaliste Ernst Fuchs.
Charles Rennie Mackintosh Society
Les œuvres majeures du chef de file de l’Ecole de Glasgow et leurs conditions de visite sont ici excellemment présentées.
Mackintosh House
La maison personnelle de Charles Rennie Mackintosh, aujourd’hui disparue, a été reconstituée au sein du Hunterian Museum.
Le répertoire des fontes vient d’être mis à jour. Ce document PDF est téléchargeable dans la rubrique Nos recherches > Dossiers > Fontes – 1ère partie.
Notre intention est de dresser à terme un catalogue le plus complet possible des fontes d’Hector Guimard et surtout d’en examiner les conditions de création, de diffusion et d’utilisation. Cette étude sera elle-même incluse au sein d’une réflexion plus vaste sur l’utilisation par Guimard des matériaux architecturaux.
Dans un premier temps, nous présentons les modèles de fontes produites par trois fonderies : Durenne, Le Val d’Osne et Bigot-Renaux.
Plutôt que de classer chronologiquement les fontes — ce qui pouvait souvent s’avérer délicat — nous avons en effet choisi de les présenter par fonderie, puis par chantier. Cette méthode présente l’avantage de regrouper d’importants ensembles.
Ainsi toutes les fontes conçues pour le Castel Béranger (1895-1898) ont été éditées par Durenne, à l’exception des chéneaux et des tuyaux de descente.
Toutes celles du Métropolitain (1900-1903) ont été confiées par Guimard et la CMP au Val d’Osne, là aussi à l’exception des chéneaux et des tuyaux de descente. Ces derniers éléments sont demandés à la troisième fonderie, Bigot-Renaux, dont il constituent la spécialité et à qui Guimard demandera encore d’autres modèles de chéneaux. À l’exception, peut-être, de quelques modèles reproduits sur le catalogue de Bigot-Renaux, toutes les fontes de ce premier répertoire ont un caractère exclusif, c’est à dire à l’usage des seules constructions de Guimard. Nous ajoutons à ce premier répertoire plusieurs fontes restées, à ce jour, de fondeur inconnu.
Le bureau du « Cercle Guimard » a convoqué une Assemblée Générale Extraordinaire de l’association, organisée conformément à l’article 11 de son règlement intérieur.
Elle ne sera ouverte qu’aux adhérents à jour de leur cotisation. Les adhérents absents peuvent donner leur pouvoir. Télécharger le pouvoir et le renvoyer (mail ou courrier postal) avant le 4 juin : Version word ou Version PDF
Elle se tiendra le samedi 4 juin 2016, de 10 h 30 à 12 h 30 dans la salle Marie de Régnier de la mairie du XVIe arrondissement, 71 avenue Henri Martin 75016 Paris.
Cette Assemblée Générale Extraordinaire, qui suit de peu notre dernière Assemblée Générale Ordinaire, est rendue nécessaire par notre volonté de modifier nos statuts afin de pouvoir obtenir la reconnaissance d’utilité publique (Association RUP). Cette reconnaissance nous est indispensable pour que nous puissions jouer un rôle décisif dans l’avenir de l’Hôtel Mezzara d’Hector Guimard.
À l’ordre du jour :
Une petite conférence sur l’Album du Castel Béranger sera également présentée.
L’Assemblée Générale de notre association s’est tenue le 19 mars 2016 de 10 h à 12 h chez Maxim’s, au premier étage dans le petit théâtre, grâce à l’aimable invitation de M. Pierre-André Hélène, conservateur du Musée Art Nouveau Maxim’s (3 rue Royale, Paris 8ème).
Pendant ce temps, une équipe de tournage composée d’étudiants en BTS audiovisuel de l’ISA, qui nous avait contactés pour l’aider à réaliser son diplôme de fin d’année sous la forme d’un reportage sur l’Art nouveau, tournait des interviews dans l’immeuble.
Après une allocution de bienvenue de M. Hélène au cours de laquelle étaient projetées des vues anciennes de Maxim’s (cf. illustrations ci-dessous), Jean-Pierre Lyonnet, président de l’association, souhaitait la bienvenue aux participants et ouvrait l’Assemblée Générale.
Un bref rapport financier (approuvé à l’unanimité des votants) montrait la bonne santé de l’association, grâce aux rentrées dues à l’augmentation du nombre des adhérents et aux ventes de rééditions de chiffres et de poignées.
Un point sur les travaux universitaires en cours était consacré au Master II en histoire de l’art que Frédéric Descouturelle a soutenu en septembre 2015 sur les Fontes ornementales de l’architecte Hector Guimard produites à la fonderie de Saint-Dizier sous la direction de Jean-François Belhoste à l’Ecole Pratique des Hautes Études. Notre trésorier poursuit son cycle universitaire avec un doctorat en histoire de l’art consacré aux Editions d’objets du décor architectural et de préfabrications par l’architecte Hector Guimard avec le même directeur de recherches.
Cette évocation des fontes ornementales de Guimard était l’occasion de montrer la couverture d’un catalogue de fontes Guimard récemment acquis, d’un modèle moins courant que ceux habituellement connus.
Nous avons évoqué le Monument du Souvenir Français figurant dans ce catalogue de fontes « Style Guimard » grâce à la découverte d’un document ancien le présentant dans son cadre originel au parc du Petit Jard à Saint-Dizier à proximité d’un banc en fonte Guimard du modèle GO. Ce monument en fonte qui a disparu certainement lors de la première guerre mondiale (renseignement fourni par l’association du Souvenir Français) change donc de statut dans l’œuvre de Guimard : il passe de projet à réalisation. De plus nous venons d’apprendre que son contre-modèle (en deux parties articulées) se trouve aux Etats-Unis.
Le chapitre des visites de quartier était commenté par Agathe Bigand-Marion. Depuis plus d’un an, elle guide avec succès nos deux circuits pédestres dans le XVIe arrondissement. L’un des deux parcours, effectué à partir du Castel Béranger permet de découvrir une sélection représentative de la période Art Nouveau et de la période tardive de Guimard. L’autre parcours, plus au sud, permet de découvrir d’autres bâtiments dont certains sont antérieurs à la période Art nouveau.
Le Cercle Guimard s’est donné pour vocation de s’impliquer dans la protection des œuvres de Guimard qui peuvent être menacées. Nicolas Horiot présentait donc l’état des démarches en cours pour La Sapinière à Hermanville sur la côte normande. Grâce aux recherches effectuées, la date de construction a pu être précisée (1907). Sur une proposition du Cercle Guimard et sur une implication irréprochable de la DRAC de Basse-Normandie, l’édifice a été inscrit le 25 novembre 2015 à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques (ISMH).
La menace pesant sur les espaces intérieurs du 8 rue Agar nous a été signalée par une habitante de l’immeuble. Au contraire du 10 rue Agar dont la rampe en fontes Guimard a été démontée et les marches recoupées pour faire place à un ascenseur, le 8 rue Agar possède encore sa cage d’escalier originelle sans ascenseur. Mais à la demande de certains propriétaires, le même processus risque de se répéter ici. Le revêtement mural originel en faux jointoyage, actuellement dissimulé sous la peinture, ainsi que les verres imprimés « Guimard » des fenêtres risquent également d’être impactés par ce projet. Une demande d’extension à la cage d’escalier de l’inscription à l’ISMH peut être déposée par le Cercle Guimard.
Une annexe de l’immeuble Jassedé du 1 rue Lancret est également concernée par un projet de démolition. Cet immeuble est adjacent à celui du 142 avenue de Versailles qui est plus connu.
Le projet de transformation concerne le fond de la « cour des miracles » (actuellement villa Alexandre Tansman), originellement constitué par une remise qui a servi de garage automobile (sa double porte de droite est d’origine).
Le projet consiste à démolir cette remise et à reconstruire à la place une petite habitation. Notre documentation iconographique permettait de préciser la configuration ancienne de cet emplacement ainsi que son attachement au lot constitué par les « immeubles Jassédé ». Une copropiétaire de l’immeuble nous a alerté peu avant l’Assemblée Générale sur l’existence de ce projet et a été invitée à prendre la parole. Le Cercle Guimard soumettra prochainement ces nouvelles pièces d’archives au regard avisé de l’Architecte des Bâtiments de France.
Il est évident que les techniques de numérisation et de réalité augmentée prendront rapidement une part croissante dans la compréhension et la visite de bâtiments existants ou disparus. À l’occasion de son diplôme final d’architecture Nicolas Horiot a effectué la première numérisation d’un bâtiment de Guimard avec la Salle Humbert de Romans. Il poursuit actuellement l’amélioration de ce travail.
Comme nous l’indiquons régulièrement, le Cercle Guimard n’a pas pour vocation de faire la promotion du marché de l’Art et ne conduit pas d’expertises au sens légal du terme. Cependant, nous ne nous interdisons pas de donner un avis — fondé sur des archives et des publications anciennes — sur certains objets mis en vente, en particulier lorsque l’attribution à Guimard est sujette à caution. Olivier Pons illustrait ce point par quelques objets sur lesquels nous sommes intervenus. Le premier d’entre eux était le désormais fameux « demi-meuble Guimard » (ci-contre) constitué du tronçonnement dans le plan frontal d’un meuble de présentation qui se trouvait originellement dans le salon de l’Hôtel Guimard au 122 avenue Mozart.
Par ailleurs notre rubrique « Ceci n’est pas un Guimard », consultable sur notre site Internet, présente régulièrement des objets faussement attribués à Guimard.
Mais, en raison de son caractère exceptionnel et de son intérêt historique, la vente de la collection d’Yves Plantin en novembre 2015, nous a vu participer à l’élaboration de son catalogue. Comme on le sait, Yves Plantin a fait partie des redécouvreurs de Guimard à la fin des années soixante et a ainsi participé à la sauvegarde d’archives, d’objets d’art et de mobilier. Plusieurs articles de cette vente étaient successivement présentés : le cadre d’un tableau provenant de la famille Coilliot,
le numéro de maison en fonte de l’Hôtel Nozal, dont les traces bleues proviennent de sa mise en peinture pour les besoins du film Hectorologie d’Alain Blondel et Yves Plantin en 1967,
l’intérieur de cheminée en fonte et son manteau en marbre provenant du Castel Béranger, préemptés par le musée de Saint-Dizier,
une banquette provenant de l’aménagement de l’Hôtel Delfau en 1895,
des dessins de lustres, une croix funéraire en fonte et une paire de fauteuil de la Salle Humbert de Romans.
Après un rappel des rééditions actuellement vendues (chiffres en fontes et poignées en porcelaine) et dont les bénéfices ont une part non négligeable dans notre exercice financier, Frédéric Descouturelle présentait trois nouveaux projets de rééditions. Les deux premiers concernent des articles de quincaillerie avec les poignées palières du Castel Béranger et de l’Immeuble Jassedé qui seront rééditées en bronze sous forme de béquilles.
Les systèmes de crémones présents au Castel Béranger et au Castel Henriette originellement en fonte (ou en bronze pour la poignée) seront également rééditées entièrement en bronze.
Notre propos est de produire des pièces de belle qualité dans des matériaux nobles, tout en permettant l’identification rapide des produits en tant que rééditions (par exemple par un logo en creux) sans confusion possible avec des pièces anciennes. Nous aviserons nos adhérents de leur mise à disponibilité sur le site Internet dès que toutes les conditions requises auront été réunies.
La mise en route d’une réédition du papier peint des chambres à coucher du Castel Béranger se fera avec la collaboration de l’Atelier d’Offard à Tours, l’un des rares à pratiquer l’impression à la planche, technique employée originellement pour les papiers peints de Guimard.
Sur une couleur de fond préalablement passée sur le papier, chaque couleur est successivement tamponnée par une planche gravée. Cette technique, plus prestigieuse parce que totalement artisanale, permet de retrouver une qualité tactile et visuelle qui n’existe plus avec l’impression au cylindre, plus industrielle.
Afin de retrouver le dessin original, il a fallu interpréter les reproductions de lés originaux en tenant compte des modifications engendrées par l’application de la couleur. Ce travail a été confié à un jeune graphiste, Alexis Lucas, qui s’est parfaitement acquitté de sa tâche.
Un tout premier lé, expédié quelques jours plus tôt par l’Atelier d’Offard a pu être présenté au public et passer de mains en mains. Il est bien entendu que les couleurs, actuellement trop franches, pourront être choisies plus précisément après étude.
Nous publierons bientôt un article abondamment illustré sur ce sujet.
Enfin Nicolas Horiot présentait le sujet d’actualité majeur : le projet que le Cercle Guimard nourrit à l’égard de l’Hôtel Mezzara. Les caractéristiques du lieu et l’opportunité d’en faire le représentant de l’Art nouveau parisien ouvert au public étaient détaillées, suscitant plusieurs questions dans le public et un intérêt évident. Actuellement nos démarches se poursuivent auprès de toutes les autorités concernées et nous tiendrons nos adhérents au courant de leur évolution. Le principe de la création d’une Fondation Guimard destinée à la gestion de ce lieu était approuvé à l’unanimité des votants.
L’Assemblée Générale pouvait se clore sur le renouvellement à l’unanimité des votants du Conseil d’Administration de l’association. Celui-ci comprend actuellement dix membres : Jean-Pierre Lyonnet, Nicolas Horiot, Dominique Magdelaine, Frédéric Descouturelle, Bruno Dupont, Olivier Pons, Agathe Bigand-Marion, Arnaud Rodriguez, Georges Vigne, Paul Smith.
En guise de conclusion, M. Pierre-André Hélène entraînait ensuite les participants dans une visite des salles du restaurant Maxim’s au rez-de-chaussée.
Après l’Assemblée Générale, le Conseil d’Administration a élu son bureau qui, conformément aux statuts, se compose :
du président : Jean-Pierre Lyonnet,
du vice-président : Nicolas Horiot,
du secrétaire : Dominique Magdelaine,
du trésorier : Frédéric Descouturelle.
Conformément à l’article 11 de son règlement intérieur, le Cercle Guimard organise son Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire le samedi 19 mars 2016, de 10h à 12h dans un salon aimablement prêté par Maxim’s, 3 rue Royale, 75008 Paris.
À l’ordre du jour : bilan moral et bilan financier, ainsi que le renouvellement des membres du Conseil d’Administration.
Le bilan des activités de l’association mettra l’accent sur les publications régulières parues sur notre site internet ; sur les travaux universitaires passés et en cours et sur l’organisation des visites du quartier d’Auteuil qui ont été mises sur pied avec un bon succès.
Nous évoquerons les expertises réalisées par les membres de notre association, directement sur notre site Internet et aussi de façon exceptionnelle pour l’établissement du catalogue de la vente Plantin des 22 et 23 novembre 2015 ;
et l’inscription à l’ISMH (Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques) de la Sapinière, obtenue sous l’impulsion du Cercle Guimard.
Plusieurs projets seront présentés, notamment la réalisation en cours d’une modélisation du pavillon du métro de la place de la Bastille en partenariat avec un groupe de jeunes américains.
Plusieurs projets de réédition sont également en cours :
des poignées palières en bronze du Castel Béranger sous forme de béquilles, ainsi que du système de crémone des fenêtres ;
et le papier peint des chambres à coucher du Castel Béranger.
La communication la plus importante concernera bien-sûr l’avenir de l’hôtel Mezzara. Le Cercle Guimard se mobilise depuis plusieurs mois pour que ce lieu exceptionnel reste ouvert et devienne la vitrine du Style Guimard à Paris. Il sera demandé à l’Assemblée Générale l’approbation de la création de la Fondation Guimard indispensable à la poursuite de nos démarches.
Cette Assemblée Générale est ouverte à tous nos sympathisants, mais seuls les adhérents à jour de cotisation 2016 pourrons voter. (En cas d’absence, les adhérents peuvent donner leur pouvoir pour le vote – télécharger le document)
Nous vous espérons nombreux pour cette réunion qui sera, comme à chaque fois, l’occasion d’informations inédites mais aussi d’échanges.
Le bureau du Cercle Guimard
Huit annonces parues sur eBay et se terminant simultanément le 18 janvier 2016 mettaient en vente les chiffres Guimard suivants : 0, 1, 3, 4, 6 (en fait le 9 à l’envers), 7, 8 et 9 (en fait le 6 à l’envers). Elles nous donnent l’occasion de revenir sur plusieurs notions et de préciser l’historique de ces chiffres.
Alors qu’on se serait attendu à ce que les enchères ne dépassent pas la vingtaine d’euros pièce, cette vente a donné lieu à un emballement dont le vendeur a peut être été le premier surpris. En effet, les prix se sont échelonnés de 110 € pour le chiffre 1 à 402 € pour le chiffre 8. Il ne faut pas chercher bien loin la raison d’une telle frénésie dans la surenchère. Dans son texte d’accompagnement, le vendeur assurait que chaque chiffre « provient d’un stock d’une ancienne fonderie champenoise et est donc à la fois ancien et neuf ». Ce mot « ancien » a fait espérer à de nombreux enchérisseurs qu’ils allaient pouvoir acquérir un chiffre Guimard « d’époque », c’est à dire un tirage ancien. Mais qu’est ce réellement qu’un tirage ancien ?
Lorsque Guimard fait éditer à partir de 1908 son corpus de fontes ornementales par la fonderie de Saint-Dizier en Haute-Marne, il inclut dans le catalogue à la planche 35, la série complète des chiffres qui sont destinés à numéroter les maisons dans une rue. Ces chiffres sont complétés par les mentions « bis » et « ter » et peuvent être posés sur des plaques prévues pour 1, 2 ou 3 chiffres. Il nous paraît à peu près certain que dans le cas d’une commande de chiffres sur plaque, la fonderie livrait un tirage monobloc comportant la plaque et les chiffres.
Guimard utilise ces plaques sur la plupart de ses bâtiments construits à partir de 1908 (1). Mais les chiffres pouvaient aussi être fixés directement sur le mur, comme Guimard l’a fait pour ses immeubles du 122 avenue Mozart, du 18 rue Henri Heine et du 36 rue Greuze.
Ces numéros de maison ont sans doute été parmi les premières fontes Guimard a être posées sur des bâtiments d’autres architectes puisque nous connaissons l’existence de la plaque du n° 15 de l’avenue Perrichont, apposée dès 1908 sur un immeuble de Joachim Richard, presqu’en face des ateliers Guimard. Cette proximité nous fait soupçonner qu’il s’agissait là d’un don amical (et publicitaire ?) de Guimard à son confrère et ami, alors même que la commercialisation de ses fontes ornementales venait à peine de débuter.
Cette plaque a d’ailleurs été volée à une date inconnue, puis finalement offerte en 2005 au Musée d’Orsay (2).
D’autres plaques de numéros de maisons commandées à la fonderie en dehors de tout lien personnel avec l’architecte sont bien sûr connues, mais restent relativement rares. À l’instar du succès commercial très relatif des fontes ornementales de Guimard, ses chiffres se sont peu vendus.
Dans l’entre-deux guerres, la fonderie de Saint-Dizier abandonna progressivement la commercialisation des fontes Guimard, ne gardant au sein de son catalogue général que celles qui se vendaient assez bien comme les bancs, les jardinières, certains balcons de croisée et panneaux de porte. Après la Seconde Guerre mondiale, il n’y avait plus du tout de demande pour ce type de fontes et les contre-modèles métalliques de Guimard restèrent inutilisés dans les réserves de la fonderie. Nous nommons donc tirages anciens tous les tirages commerciaux effectués avant cette époque. Il est certain qu’il en subsistait encore, invendus au sein de la fonderie ou chez d’anciens employés, mais leur nombre ne devait pas être considérable.
Ce n’est qu’en 1968 qu’Alain Blondel et Yves Plantin, jeunes pionniers dans la réévaluation de Guimard, firent le voyage à Saint-Dizier où ils découvrirent le fonds de contre-modèles qui dormait dans les réserves de la fonderie et convainquirent le directeur d’alors de le leur céder. Dès 1971, ils en organisèrent une exposition dans leur galerie et à cette occasion publièrent un petit catalogue de 122 numéros, précédé d’un texte de présentation sur le rôle de la fonte dans l’œuvre de Guimard.
À l’issue de l’exposition, la majorité du fonds fut acquis par Mme Dominique de Ménil pour sa fondation à Houston. Ce fonds de contre-modèles fut ensuite l’un des points forts de l’importante exposition Art Nouveau Belgium/France présentée à Houston et à Chicago en 1976 avec 106 numéros.
Très généreusement, en 1981, Mme de Ménil fit don à l’État français de 56 contre-modèles qui furent attribués au Musée d’Orsay. Ce dernier n’étant pas encore ouvert, le Musée national d’Art moderne en exposa quelques-uns dans une salle consacrée à l’Art nouveau. Dès l’ouverture du Musée d’Orsay en 1986, un plus grand nombre de contre-modèles furent exposés dans les escaliers des tours menant aux étages supérieurs. Quant aux contre-modèles de chiffres, qui étaient restés à Houston, ils firent cependant une brève apparition à Paris pour l’exposition consacrée à Guimard au musée d’Orsay en 1992. À cette occasion, le catalogue de l’exposition en donnait en pleine page une photographie de bonne qualité en mêlant 8 contre-modèles de la collection de Ménil (les 0, 1, 2, 3, 4, 6, 7 et 8) à deux tirages anciens (le 5 et le 9) appartenant au musée d’Orsay depuis 1984 (dons de la fonderie de Saint-Dizier en 1984).
À une date qui reste à préciser mais qui doit se situer à la fin des années 1980, la fonderie de Saint-Dizier prit l’initiative de rééditer les chiffres Guimard et de les commercialiser par l’intermédiaire des Fontes d’Art de Dommartin-le-Franc (Haute-Marne). Ils ont été coulés en grande quantité entre 1990 et 1995, au moment de la sortie du timbre postal Guimard. Pour les fabriquer, les contre-modèles anciens n’étant plus disponibles, il a fallu recréer des modèles, ce qui a été fait en utilisant tout simplement des tirages anciens pour les 0, 1, 2, 3, 5, 7, 8 et 9. Ce surmoulage explique une perte de qualité des tirages modernes par rapport aux tirages anciens. Pour le chiffre 4, un tirage ancien n’ayant pu être retrouvé, le modèle a dû être recréé d’après photo, avec un modelage assez médiocre. Pour le chiffre 6, le modèle utilisé était sans doute cassé à son extrémité supérieure, ce qui pourrait expliquer la modification de cette extrémité. La Fonderie de Saint-Dizier a ensuite créé un outillage spécifique en fixant les chiffres sur une plaque-modèle. La prise d’empreinte s’est faite avec du sable chimique ou « à vert ». Le type de fonte et le sable de moulage utilisés, différents de ceux utilisés en 1900, ont donné une surface plus granuleuse à ces tirages modernes qui permet de les différencier assez facilement des tirages anciens beaucoup plus lisses.
Sur les tirages anciens, les lignes sont plus complexes et plus fines, alors que sur les tirages modernes, elles sont nettement plus grossières et même très différentes à certains endroits. Mais il n’est pas toujours facile de s’en rendre compte lorsqu’ils sont revêtus de plusieurs couches de peinture. Cependant, lorsqu’on dispose d’une série de chiffres, le moyen le plus simple de savoir si l’on a à faire à des tirages anciens ou à des tirages modernes est d’observer les chiffres 4 et 6.
Les tirages anciens et modernes du chiffre 4 ont des différences manifestes.
Quant au chiffre 6, on peut voir plus haut sur le catalogue, sur la photographie des contre-modèles de la collection De Ménil à Houston et encore mieux sur une plaque de numéro de maison, que son extrémité supérieure est relevée.
Alors que sur les tirages modernes, cette extrémité est abaissée.
Si l’on se penche sur certaines collections de chiffres, comme celle présentée à Londres en 2000 à l’exposition Art Nouveau 1890-1914 et qui est patinée en bleu, on constate que le chiffre 4 est bien un tirage moderne et que le 6 présente à son extrémité supérieure la caractéristique des tirages modernes. Nous supposons donc que le reste de cette série n’est pas plus ancien.
Le chiffre 4 de la collection du musée de Saint-Dizier est lui aussi un tirage moderne (ainsi que les autres chiffres exposés).
Qu’en est-il des chiffres qui se sont vendus sur eBay en janvier 2016 ? En observant à nouveau le chiffre 4, on se rend compte, là encore, qu’il s’agit d’un tirage moderne et non d’un tirage ancien. Le chiffre 6 est bien également un tirage moderne.
La principale caractéristique de ces chiffres Guimard mis en vente était d’être copieusement rouillés, ce qui leur conférait effectivement un indéniable aspect ancien, mais ne leur donnait pas pour autant un âge supérieur à 25 ans. Ils n’auraient finalement pas dû valoir plus cher que ceux que le Cercle Guimard commercialise, avec la rouille en moins.
Frédéric Descouturelle
Merci à Élisabeth Robert-Dehault, présidente de l’ASPM, ainsi qu’à Virginie Dupuy, conservatrice du musée de Saint-Dizier, pour leur aide.
(1) Et même certains de ceux construit avant, puisque le Castel Béranger (1895-1898) a reçu une plaque aux chiffres 14, l’Hôtel Nozal (1902-1906) une plaque aux chiffres 52, l’immeuble Jassedé du 1 rue Lancret (1903-1905) une plaque au chiffre 1 et la villa d’Eaubonne (vers 1907) une plaque aux chiffres 16.
(2) Nous tenons cette anecdote de Georges Vigne qui en fait part sur son excellent blog Paris 1900 (http://paris1900.blogspot.fr/2008/02/15-avenue-perrichont-16e-arrondissement.html).
Addenda le 27 avril 2023
Un site américain de vente en ligne d’antiquités présente des copies en bronze de chiffres de Guimard. Leur finition est particulièrement médiocre.
Addenda le 15 mars 2024
La maison de ventes Christies New York a proposé dans sa vente en ligne n° 22505 du 28 février au 12 mars 2024, au lot n° 148, une série de chiffres Guimard bleutée (photo ci-dessous). Il s’agissait vraisemblablement de celle qui a fait partie de l’exposition Art nouveau 1890-1914 qui s’est tenue en 2000 à Londres au Victoria et Albert museum. Comme nous le signalons plus haut, ces chiffres sont des copies modernes. L’estimation était de 3 000 à 5 000 $. Nous avons averti le 2 mars la responsable de la vente qu’il ne s’agissait pas de chiffres anciens. Elle nous répondu très aimablement le 4 mars et a retiré le lot de la vente.
Accessible dès à présent à l’adresse suivante : http://passerelles.bnf.fr
Le site Passerelle(s) vient d’être lancé par la BnF en partenariat avec le CCCA-BTP (le réseau de l’apprentissage BTP) et la Fondation BTP PLUS.
Il s’agit d’un portail multimédia dédié aux apprentis du BTP et aux jeunes en insertion professionnelle mais il peut et doit être consulté par tout un chacun grâce à la fiabilité de ses informations et la richesse de sa documentation iconographique.
Le Cercle Guimard a été initialement contacté par Mme Nathalie Ryser, l’une des coordonnatrices du projet, pour fournir quelques images destinée au volet dédié au Castel Béranger et plus largement à Guimard et à l’Art nouveau :
http://passerelles.bnf.fr/batiments/castel_beranger_planche.php
Mais nous avons également pu suggérer quelques modifications ou compléments dans les textes rédigés par des auteurs spécialisés dans l’histoire des disciplines de la construction.
Alors que, par esprit routinier, nombre de médias continuent à répandre des informations dépassées ou folkloriques sur Guimard (et sur l’Art nouveau), il est très important pour nous qu’une institution aussi prestigieuse que la BnF prenne notre action en considération et puisse présenter une information qui soit à la fois de qualité et attractive.