Notre livre consacré à la céramique de Guimard avait recensé les localisations où les céramiques architecturales créées par Hector Guimard avaient été employées, à Paris et en banlieue. Nous venons de découvrir une nouvelle adresse, 5 rue Baillou dans le 14e arrondissement.
Le bâtiment est un immeuble de rapport mitoyen de quatre niveaux et combles avec trois travées à symétrie centrale. Sa façade, essentiellement en briques, serait assez banale sans son décor de céramique. Elle comporte également un jeu de couleurs entre briques de couleur crème pour le fond et briques rouges dessinant différents motifs répétitifs, en particulier au premier étage. Un auvent à deux pans, placé au centre, au-dessus de la porte d’entrée, agrémente également cette façade. Les fontes ornementales des garde-corps n’ont pas d’intérêt particulier.
Les frises et les panneaux de céramique architecturale de Guimard présents sur la façade sont connus. Ils ont été publiés dans le catalogue Muller & Cie (La Grande Tuilerie d’Ivry) de 1904 et déjà employés sur ses premières villas, antérieures à la construction du Castel Béranger. Il s’agit des métopes n° 13, au nombre de 8 exemplaires en bandeau au rez-de-chaussée.
Leurs couleurs sont légèrement différentes de celles utilisées sur deux constructions de Guimard : l’hôtel Louis Jassedé (construit 41 rue Chardon-Lagache à Paris en 1893) et la villa Charles Jassedé (construite 63 avenue du Général De Gaulle à Issy-les-Moulineaux en 1893). Elles se rapprochent de celles de l’annexe de la mairie de Houilles, 18 rue Gambetta (date et architecte inconnus).
Au premier étage, la fenêtre de la travée centrale, est encadrée latéralement par des panneaux n° 138.
Un détail de ce panneau montre bien qu’il s’agit d’émail cloisonné dont les loges en légère dépression ont été créées lors du coulage des pièces dans un moule.
Les couleurs sont différentes des panneaux n° 138 utilisés par Guimard sur l’hôtel Roszé (construit 34 rue Boileau en 1891).
Sur le linteau de la fenêtre centrale du premier étage du 5 rue Baillou se trouve une frise n° 126 à trois éléments.
Ses couleurs sont identiques à celles des frises n° 126 que l’on trouve à de nombreuses reprises au premier étage de l’hôtel Louis Jassedé.
De part et d’autre de ce panneau en linteau du premier étage du 5 rue Baillou, on trouve des éléments de frise n° 125, utilisés individuellement, donc avec la fonction de métopes.
Ses couleurs sont différentes de celles des éléments de frise n° 125 que l’on trouve sur le conduit de cheminée de la façade arrière de l’hôtel Louis Jassedé.
Ces variations de couleurs montrent que l’entreprise Muller & Cie était à l’écoute des desiderata de sa clientèle et sans doute capable de répondre rapidement aux demandes qui lui étaient faites.
Les créations de Guimard ne sont pas les seules à figurer sur cette façade du 5 rue Baillou. En effet, l’allège de la fenêtre centrale du premier étage est une « garniture d’attique » créée par l’architecte Lethorel et qui figure dans un catalogue de 1898 de Muller & Cie.
Ce type d’élément est d’ailleurs assez proche d’un autre modèle où la croisée est cette fois en X et qui a été dessiné par Gustave Raulin. Ce dernier a été le professeur de Guimard à l’École Nationale des Beaux-Arts et nous le soupçonnons de l’avoir introduit chez Muller & Cie.
D’autres céramiques architecturales sont également employées au niveau des étages supérieures, comme les métopes entre le premier et le second étage (sans doute le n° 22 de Muller & Cie) et d’autres au dernier étage (non identifiées). Les linteaux du rez-de-chaussée sont également soulignés à leur partie supérieure par une mince frise de nodosités de couleur verte, probablement également produite par Muller & Cie.
Beaucoup d’immeubles de cette catégorie ne sont pas signés, en particulier lorsqu’ils ont été construit par un entrepreneur. Mais au 5 rue Baillou, l’immeuble a été élevé par un architecte qui a choisi de le signer. Au lieu de faire graver son nom et la date de construction sur une des pierres de taille de la façade, il a créé une plaque spéciale, à nouveau exécutée chez Muller & Cie et l’a placée au premier étage à l’extrémité gauche de la façade. Son lettrage est déjà de style Art nouveau, tandis que son encadrement est plutôt orientalisant.
Cette plaque-signature est même entrée, à titre d’exemple, dans le catalogue de Muller & Cie sous le n° 347, aux côtés d’autres plaques commerciales ou de voirie. La Grande Tuilerie d’Ivry avait sans doute jugé que cette commande précoce de panneaux de style moderne présentait un intérêt.
Grâce à notre adhérent Olivier Desmares, nous en savons un peu plus sur cet architecte qui est très probablement Emmanuel Brun. Il a construit deux autres immeubles dans une rue parallèle à la rue Baillou, au 6 et 8 rue Louis Morard. À nouveau pourvus de façades de briques décorées de céramiques (comme de nombreux immeubles de cette rue) ils possèdent tous deux une plaque-signature de style plus nettement Art nouveau, datée de 1902.
On le retrouve dans l’édition de 1907 du répertoire des architectes élèves de l’École des Beaux-Arts sous le nom de Jean-Louis-Emmanuel Brun, né à Clermont-Ferrand en 1864. Il est entré à l’École des Beaux-Arts en 1883 (deux ans avant Guimard) où il a été l’élève de Julien Guadet. Il a exposé au Salon des Artistes Français et avait son cabinet au 78 rue Mozart (alors que Guimard installera le sien au 122 de la même rue vers 1910). Ces informations confirment le fait que les deux architectes se connaissaient très certainement.
Emmanuel Brun a également exercé à Nice où il est l’auteur d’un immeuble au 15 rue Gounod (1899) employant des céramiques de Muller & Cie (métope n° 36 au motif de chardon). Il a déménagé en 1909 dans cette ville où il est décédé en 1948.
Au quatrième étage du 6 rue Louis Morard, on trouve aussi deux tympans identiques, au motif de pavot, qui ne figurent pas dans le catalogue Muller & Cie de 1904. Il s’agit de panneaux en émail cloisonné (comme ceux de Guimard) et qui présentent même une certaine similitude avec plusieurs de ses céramiques architecturales au motif de tournesol comme le panneau n° 136, la frise n° 126 ou le tympan triangulaire non répertorié de l’hôtel Jassedé. Il se confirme donc que Muller & Cie n’a pas hésité à créer de nouveaux modèles imitant les compositions de Guimard sans en avoir la vigueur. Il est même possible que ces imitations aient pu générer un différent entre Guimard et Muller & Cie débouchant sur l’arrêt des commandes de Guimard au moment de la construction du Castel Béranger.
La plaque-signature de la rue Baillou, publiée sur le catalogue Muller & Cie de 1904, pouvait être réutilisée sur d’autres immeubles de l’architecte. Elle pouvait aussi inciter ses confrères à agir de même. À Nancy, l’architecte César Pain (1872-1946) a ainsi posé des plaques-signatures semblables sur un grand nombre de ses petites maisons de ville construites dans le style de l’École de Nancy, en particulier rue Félix Faure, à partir de 1904. Il a aussi utilisé de nombreux autres modèles de céramiques architecturales de Muller & Cie sur ses façades.
Nous profitons de cet article pour présenter ci-dessous un autre élément de céramique architecturale de Guimard édité par Muller & Cie. Il nous a été généreusement donné par deux de nos anciens et fidèles adhérents. Ils avaient acheté en Belgique un lot de ce modèle, sans savoir alors que Guimard en avait été le dessinateur.
Il s’agit d’un élément de la frise n° 127 présente dans le catalogue Muller & Cie de 1904, avec des couleurs différentes. Le seul emploi connu de cette frise par Guimard est sur la véranda de la façade avant de l’hôtel Roszé.
Frédéric Descouturelle
Le Cercle Guimard vous propose pour cette rentrée 2023, deux nouvelles dates de visites guidées et commentées :
Les visites guidées sont au tarif unique de 20 euros par personne.
Merci de cliquer sur l’horaire qui vous convient :
Date / Heure | Événement | Places disponibles |
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sam 27/04/2024 / 10:00 | Visite guidée "Paris et l'architecture du commerce : des galeries aux grands magasins" | 13 |
sam 25/05/2024 / 10:00 | Visite guidée "Guimard et le métro" | 0 |
sam 15/06/2024 / 10:00 | Visite guidée "Hector Guimard, architecte d'art" | 0 |
En juin 2023, nous avons écrit à un vendeur d’eBay qui proposait une « poignée de porte en faïence vernissée » qu’il attribuait à Guimard. Nous lui avons signalé que, d’une part il s’agissait d’un bouton de crémone en grès émaillé et que, d’autre part, Guimard n’était pas l’auteur du modèle.
De façon inhabituelle dans ce genre de situation, le vendeur nous a répondu rapidement et aimablement en nous remerciant, ajoutant qu’il s’était inspiré d’une annonce semblable et qu’il allait modifier la sienne. L’annonce a en effet été retirée dans la foulée puis modifiée.
Nous connaissons en effet ce modèle de bouton de crémone d’une hauteur de 8,5 cm qui réapparait de temps à autre sur le marché de l’art. Ils sont émaillés suivant diverses couleurs nuancées, généralement ocres, vertes ou bleues et sertis dans une virole en laiton. Dans cette virole est ménagé le trou qui permet de le fixer au mécanisme et qui — conformément aux modèles de poignées de crémones — comprend un filetage.
Les formes courbes alternativement concaves et convexes qui l’encadrent de façon symétrique en miroir, le rendent très élégant et parfaitement apte à la préhension par la main. Il s’agit donc d’un bel objet, bien représentatif de la production sérielle d’accessoires de style Art nouveau, mais dont l’attribution est peu évidente. Sa symétrie et ses courbes linéaires ne plaident pas pour son attribution à Guimard et le rapprocherait plutôt du travail de Maurice Dufrène.
Cette difficulté dans l’attribution, en suspens depuis plusieurs années, a reçu une solution partielle grâce à la découverte par l’un de nos membres du nom du fabricant. Il s’agit de la société Gentil & Bourdet, établie aux portes de Paris à Boulogne avec laquelle Guimard semble ne jamais avoir travaillé. Elle a été fondée en 1901 par les architectes Alphonse Gentil (1872-1933) et Eugène Bourdet (1874-1952), ce dernier étant originaire de Nancy.
Leur production d’éléments architecturaux en grès moulés était assez proche de celle d’Alexandre Bigot qui avait fondé son entreprise quelques années plus tôt. En revanche, leur production de panneaux de mosaïques, également en grès émaillé, était plus personnelle et leur a permis de faire prospérer leur entreprise plus longtemps que celle de Bigot qui a fermé en 1914.
On connaît quelques catalogues de cette manufacture et dans celui des « Grès de batiment 1902 » on peut trouver une page où figure, en compagnie de six autres modèles, le bouton de crémone que nous présentons. Comme les autres, il est vendu 3,25 F-or non émaillé et 3,75 F-or émaillé. La planche fait mention de « La Randonite / marque déposée ». Nous ignorons ce que recouvre exactement ce terme. Sans doute s’agit-il d’une composition particulière de pâte ?
Le musée d’Orsay possède un bouton de crémone semblable, enregistré sous le n° OAO 1409. Il lui a été offert en 2003, en même temps qu’un bouton de porte en porcelaine bleue de Guimard (enregistré sous le n° OAO 1408)[1] édité par Sauzin (le premier fabricant des boutons de porte en porcelaine de Guimard).
Actuellement, la notice OAO 1409 ne fait plus apparaitre cette photo du bouton de crémone. Elle indique qu’il est en « porcelaine flammée », l’attribue toujours à Guimard et au fabriquant Paquet à Grenoble (le second fabriquant des boutons de porte en porcelaine de Guimard). Il est néanmoins encore possible d’en retrouver l’image en se rendant sur la notice OAO 1408 où il est photographié en compagnie du bouton de porte de Guimard en porcelaine bleue.
Frédéric Descouturelle
Nous remercions M. Fabrice Péronin qui nous a autorisé à utiliser les photographies qu’il avait prises pour illustrer l’annonce de vente sur eBay, ainsi que M. Mario Baeck, docteur en histoire de l’art de l’Université de Gand qui nous a signalé dans quel catalogue de Gentil & Bourdet figure la poignée de crémone.
[1] Thiébaut, Philippe, 48/14 La revue du Musée d’Orsay, « Acquisitions », Paris, Réunion des musées nationaux, 2004, p. 59.
Durant les mois de juillet et de septembre 2023, la villa Berthe – la Hublotière située au Vésinet (78) ouvrira ses jardins au public. L’occasion est idéale pour le visiteur d’admirer d’un peu plus près cette œuvre remarquable construite par Hector Guimard en 1896.
Contemporaine du Castel Béranger dont elle reprend certains traits, la Hublotière est considérée comme la première œuvre Art nouveau de Guimard. L’ouverture des jardins de cette demeure bourgeoise permettra notamment de découvrir l’étonnante façade arrière – invisible de la rue – et d’approcher son toit-terrasse souligné d’élégantes ferronneries d’époque.
L’ouverture est prévue tous les jours du 1er au au 21 juillet inclus, de 9h à 15h, ainsi que du 6 au 30 septembre inclus, du mercredi au dimanche, de 9h à 15h. Le tarif est d’1€ par personne. Les visites sont libres et sans réservation.
Durant le week-end des Journées européennes du patrimoine, les 16 et 17 septembre prochains, des animations sont prévues avec, notamment, la présence de sculpteurs.
Nous vous souhaitons une bonne visite et saluons les propriétaires à l’origine de cette heureuse initiative.
La villa Berthe – La Hublotière, 72 route de Montesson, 78110 Le Vésinet
https://lahublotiere.com/
Léna Lefranc-Cervo, doctorante en Histoire de l’art, avait déjà publié sur notre site un article sur les tentatives précoces de protection du patrimoine Art nouveau parisien. Elle nous fait à présent l’amitié de partager avec le Cercle Guimard sa contribution à la journée d’étude « La norme et son contraire » qui s’est tenue à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Bretagne à Rennes en 2020. Elle y analyse la question de la norme architecturale à travers la production des architectes de la Société des Architectes Modernes dont Hector Guimard a été vice-président. Elle nous aide ainsi à mieux le situer au sein des courants architecturaux modernes de l’après-guerre dont il fut loin d’être éloigné.
La Société des architectes modernes[1] (SAM) nous paraît constituer une entrée intéressante pour aborder la question de la norme, tant les discours sur l’architecture produits par ses membres, en particulier, sur l’architecture moderne ont impliqué cette notion. La modernité en architecture questionne en effet directement la place de la doctrine et le rapport à un corpus normatif entendu comme définition d’un cadre primordial à la conception architecturale. L’historien de l’architecture Gilles Ragot a mis en avant, dans sa thèse sur le Mouvement moderne[2], le fait que Le Corbusier et André Lurçat furent les seuls à tenter la définition d’une doctrine de l’architecture moderne. Il rappelle que cette propension à la théorisation est marquée par les nombreuses publications de Le Corbusier (plus de quatorze entre 1918 et 1938). Les Cinq points de l’architecture moderne constitue la plus emblématique de cette production éditoriale par sa clarté et son caractère pédagogique. Or ces deux architectes ne firent jamais partie de la Société des architectes modernes qui compta pourtant plus de 200 membres à la veille de la Seconde Guerre mondiale. La SAM se distingue d’ailleurs par son absence de la sphère de la théorie de l’architecture. La production théorique des architectes de ce groupement, qu’elle soit individuelle ou collective, est en effet très pauvre. De ses publications communes à travers les Bulletins qui paraissent seulement à partir de 1936 et notamment des deux articles intitulés « Modernisme » écrits par Auguste Bluysen[3] et Adolphe Dervaux[4], respectivement président et vice-président de la société à cette date, on en retient surtout le flou doctrinal. Cette constatation nous amène à nous interroger sur le rapport des architectes de la SAM avec la doctrine et avec la définition d’un cadre pour la conception. Elle nous invite aussi à nous demander si, pour les membres de la société, la modernité architecturale, qui sous-tend la rupture avec un corpus normatif, induit le remplacement de celui-ci par de nouvelles doctrines architecturales ou bien si, au contraire, elle peut s’en affranchir.
La modernité architecturale un combat contre la norme
Le Groupe des architectes modernes voit le jour dans un contexte de lutte artistique pour la commande à l’Exposition internationale des arts décoratifs de 1925. À sa constitution en 1922[5], il est alors présidé par Frantz Jourdain[6]. Architecte, écrivain et critique d’art tout à la fois, Jourdain avait été, dans les années 1890-1900, l’un des plus ardents défenseurs des « novateurs ». Il publie en 1893 L’Atelier Chantorel[7], roman–pamphlet contre l’enseignement qu’il juge sclérosé de l’École des beaux-arts. Au moment de son décès, en 1935, Marcel Lathuillière, le représentant du Groupe algérien de la SAM, n’hésite pas à le présenter comme « le premier Moderne[8] ». Jourdain semble alors incarner, y compris pour les membres les plus jeunes de la société, l’esprit même de la modernité architecturale : « [Frantz Jourdain] libéra une jeunesse ardente de la plus intolérable des servitudes et permit aux talents neufs de s’affirmer sans craindre la censure[9] ». La « jeunesse ardente » fait évidemment référence, dans l’esprit de Lathuillière, aux architectes de la génération qui a commencé sa carrière dans les années 1890-1900 et qui a alors participé au renouveau des arts avant de fonder, vingt ans plus, tard le Groupe des architectes modernes (GAM) : parmi eux, Henri Sauvage, Hector Guimard, Louis Sorel, Adolphe Dervaux et Lucien Woog. Par ailleurs, Lathuillière désigne clairement les oppresseurs de Jourdain et de sa phalange : « Épris d’idées nouvelles, il entra en lutte contre les Maîtres, alors tout puissants, de l’Architecture académique[10] ». De nombreux autres membres de la société s’accordent sur l’identité de cet ennemi commun, comme Bluysen qui relate que cette « jeunesse scolaire se trouvait, par ses vieux maîtres pasticheurs, maintenue sous la férule académique[11] ». Le terme d’« Architecture académique » renvoie donc à un corpus perçu comme normatif et imposé par un groupe de professionnels affiliés à un organe institutionnel désigné comme auteur de tous les maux : l’École des beaux-arts.
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Votre adhésion au Cercle Guimard est un soutien indispensable pour mener à bien les actions de recherche et de protection du patrimoine d’Hector Guimard. Vous avez peut-être eu connaissance de l’article de La Tribune de l’Art concernant le nouvel appel à candidatures lancé par la Direction de l’immobilier de l’État pour la conclusion du bail emphytéotique administratif de valorisation de l’hôtel Mezzara. Nous n’avons pas encore communiqué à ce sujet car nous sommes toujours à la recherche d’une solution qui corresponde à notre projet muséal, projet qui est soutenu à la fois par le monde de la Culture et par les responsables politiques. Nous reviendrons bientôt vers vous à ce sujet.
Nous vous remercions vivement pour votre soutien et votre fidélité !
Le Bureau du Cercle Guimard
Avec l’arrivée des beaux jours, le Cercle Guimard vous propose une nouvelle date de visite guidée à la découverte des œuvres emblématiques d’Hector Guimard dans le 16ème arrondissement :
Les visites guidées sont au tarif unique de 20 euros par personne.
Merci de cliquer sur l’horaire qui vous convient :
Date / Heure | Événement | Places disponibles |
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sam 27/04/2024 / 10:00 | Visite guidée "Paris et l'architecture du commerce : des galeries aux grands magasins" | 13 |
sam 25/05/2024 / 10:00 | Visite guidée "Guimard et le métro" | 0 |
sam 15/06/2024 / 10:00 | Visite guidée "Hector Guimard, architecte d'art" | 0 |
Nous avons le plaisir de faire connaitre à nos lecteurs l’article de M. Alexis Monnerot-Dumaine, initialement publié sur son blog Le Village de Billancourt à qui nous avons pu apporter quelques renseignements. Il concerne l’une des œuvres de jeunesse de Guimard pour laquelle les connaissances étaient jusqu’ici très parcellaires et il donne un éclairage complémentaire à cette première partie de sa carrière dont la clientèle était encore limitée à son cercle familial élargi.
Historique de la construction
Hector Guimard n’avait qu’une vingtaine d’années lorsque Rosalie Hélène Lécolle, habitante de Billancourt, lui a commandé des maisons mitoyennes sur la rue du Pont de Sèvres. Elle était déjà la propriétaire d’une villa qui sera plus tard connue sous le nom de villa Aussillous et dont elle avait l’intention de lotir le vaste terrain.
Nous ne savons pas comment ils se sont connus, mais le fait que Rosalie Lécolle et le père d’Hector Guimard soient tous deux originaires du village de Toucy, dans l’Yonne, ne peut être une coïncidence. Nous n’avons cependant pas trouvé de lien de parenté entre eux. Peut-être le père d’Hector Guimard a-t-il recommandé Rosalie Lécolle à son fils ? En tous cas, c’est vraisemblablement cette origine commune qui a déterminé le nom donné à la villa par sa propriétaire.
Ce n’était pas la première fois que Rosalie Lécolle commandait un bâtiment à Guimard. En 1889, il lui avait déjà dessiné une maison de rapport à Saint-Ouen, au 122 avenue des Batignoles (aujourd’hui avenue Gabriel Péri). La maison existe toujours mais ne présente pas grand intérêt.
Deux auteurs ont évoqué brièvement la villa Toucy dans leurs ouvrages : Georges Vigne dans Hector Guimard[1] et Jean-Pierre Lyonnet dans Guimard perdu, histoire d’une méprise[2], tous deux publiés en 2003.
Dans le curriculum vitae de Guimard en 1897, la réalisation de la villa Toucy est mentionnée à deux dates différentes, curieusement : 1890 et 1894. À l’année 1890, il écrit : « deux petites maisons de campagne à Billancourt. Villa Toucy, pour le compte de Mme veuve Lécolle ». 1890 est impossible car un plan de juin 1892 situe la villa ailleurs que rue du Vieux Pont de Sèvres, preuve qu’elle est encore en projet. De plus, Rosalie Lécolle n’était alors pas veuve, mais célibataire. À l’année 1894, il note : « Construction de deux pavillons dans la propriété de madame Lécolle à Billancourt ». Selon l’avis de Georges Vigne, ce CV contient encore d’autres inexactitudes et doit être pris avec réserves.
Dans un envoi de Guimard pour le Salon de 1894, est mentionné : « Une entrée de la villa Toucy exécutée à Billancourt. 1 chassis. (App. à M. Lécolle) ». Nous n’avons malheureusement pas trouvé ce dessin.
La construction est inscrite à l’inventaire Mérimée (numéro IA00119953) depuis 1992. Sa fiche nous donne bien peu d’indications : on y lit que le gros œuvre est fait de meulière, moellon, brique et enduit. La couverture est en tuiles mécaniques. La fiche nous dit également que la villa a été bâtie en 1892, « selon la source ». En 1892, Hector Guimard n’a que 25 ans et est toujours étudiant à l’École nationale des Beaux-Arts.
Le document le plus intéressant que nous avons pu trouver est le magnifique plan ci-dessous, daté du 25 juin 1892 et signé par Guimard, conservé au musée d’Orsay. Nous le reproduisons ici. Il est très complet : on y trouve trois façades, quatre coupes et un plan de situation.
Trouver l’adresse exacte de la villa n’est pas évident. Le musée d’Orsay évoque le 189 rue du Vieux Pont de Sèvres, ce qui, en réalité, est l’adresse du terrain sur lequel la villa a été bâtie. Mais chacune des maisons a eu sa propre adresse. La fiche Mérimée évoque le 171 rue du Vieux-Pont-de-Sèvres et le Cercle Guimard, le 142. En fait, le cadastre la situe clairement aux numéros 183 et 185, ou, selon les recensements du XIXe siècle, les numéros 121 et 123 (la rue ayant été renumérotée).
Les sources principales donnent 1892 pour date de construction, mais est-ce bien sûr ? Au cadastre de Boulogne-Billancourt, la villa Toucy est explicitement enregistrée en 1894. De plus, le plan de situation de juin 1892 place l’entrée de la villa à un croisement de chemins et non le long de la rue du Vieux-Pont-de-Sèvres, ce qui laisse à penser qu’en juin 1892 sa construction était prévue ailleurs. Ajoutons à cela le fait que la demande de construction date du 1er septembre 1892[3]. Comment penser qu’elle ait pu être achevée en si peu de temps ? Et si la mention « 1894 » sur le CV de Guimard était la bonne ?
Nos recherches pour retrouver une bonne photo de cette villa n’ont pas donné de résultat probant. Nous n’avons trouvé que des vues lointaines ou des vues d’avion. Malgré son acquisition ultérieure par Renault, nous n’en avons retrouvé aucune photo chez Renault Histoire. Elle ne figure pas dans le rapport de l’architecte Plousey de 1920 car à l’époque elle n’était pas encore la propriété de Renault.
Des maisons jumelles
Nous avons donc tenté une reconstitution de la villa Toucy, basée sur les plans du fonds Guimard au musée d’Orsay et sur les quelques éléments de la fiche d’inventaire. Pour nous aider, nous avons puisé l’inspiration sur d’autres réalisations du jeune Guimard de ces mêmes années, telles que l’hôtel Jassedé (1893) ou l’hôtel Roszé (1891).
On la qualifie de villa, mais il s’agit en fait de deux maisons de rapport jumelles, d’une largeur de 16 mètres et parfaitement symétriques. Son style n’est pas encore marqué par le style Art nouveau que Guimard n’a adopté qu’en 1895. Seul l’arc de décharge et le tympan qui encadrent la fenêtre du premier étage de la façade latérale laissent entrevoir ses futures influences. Les jambes de force obliques portant les auvents protégeant les portes d’entrées sont également caractéristiques de Guimard (villa Charles Jassedé à Issy-les-Moulineaux en 1893, villa La Bluette à Hermanville en 1899, ateliers Guimard rue Perrichont-prolongée en 1903).
Chacune des deux maisons est assise sur un sous-sol et comporte deux niveaux comprenant chacun trois pièces. Un muret sépare les entrées et les jardins des deux logements. On remarque le traitement particulier de l’avant-corps, avec ce mouvement ascendant de pierres de taille qui souligne la cage d’escalier, avec un léger décalage par rapport aux façades. On peut également noter les deux élégants décrochements de la toiture qui accompagnent les trois volumes, dont un en encorbellement. Un troisième décrochement orne la façade arrière. À remarquer également ce large bandeau à mi-hauteur que nous avons imaginé être fait de briques vernissées bleues et vertes, séparant à la fois les niveaux et les matériaux de parement des façades. Enfin, nous avons agrémenté les linteaux métalliques des fenêtres de métopes dessinées par Guimard et éditées par Muller & Cie, comme sur l’hôtel Louis Jassedé de la rue Chardon-Lagache en 1893.
La villa Toucy apparait sur un autre plan du fonds Guimard (ci-dessous), conservé au Musée d’Orsay. Il s’agit manifestement d’un projet de lotissement de la propriété Lécolle. Sur ce plan, 38 parcelles sont dessinées et trois nouvelles rues sont percées : une prolongation de la rue Casteja, un chemin Casteja et une avenue Nouvelle.
Ce projet ne verra jamais le jour car Rosalie Lécolle décède à Billancourt le 21 avril 1894, à 52 ans, deux ans seulement après la construction de la villa. Elle laisse ses biens à sa fille naturelle Marie Petitjean, fille unique et épouse de l’avocat Aussillous.
Le fonds Guimard, au musée d’Orsay, conserve aussi deux autres dessins (GP2120 et GP2121) de ce lotissement, mais sans grand intérêt.
Des locataires bien ordinaires
Loin des familles bourgeoises ou aristocratiques des belles villas disparues de Billancourt, les locataires de la villa Toucy étaient plutôt modestes. En 1896, on trouvait, au 183, une certaine Eugénie Chevallier, employée de 56 ans.
Nous avons retrouvé une petite annonce du quotidien Le Journal datée du 20 mai 1897 proposant « À louer, non meublé, pavillon belles pièces, cuisine, chambre de bonne, jardin rempli de rosiers et de belles fleurs. Superficie 400 m², prix annuel 700 francs, eau comprise… à deux minutes tramways et bateaux ».
On recensait en 1901, au 185, un certain Stanislas Julien, architecte vérificateur pour l’exposition universelle de 1900, peut-être une connaissance de Guimard ?
Les alentours de la villa commençaient déjà à s’industrialiser. Gentil & Bourdet, fabricants d’éléments de décoration en grès émaillé, ont installé en 1904 leur usine, juste derrière la villa. On pourra consulter à ce sujet notre article Avenue des arts décoratifs à Billancourt.
En 1911, les familles Roussel et Ribère résidaient à la villa.
Contrairement aux informations de l’inventaire Mérimée, la villa a survécu bien au-delà des années 1920. En effet, lors du recensement de 1926 figuraient comme occupants, au 183, la famille de Georges Dejean, un comptable, et au 185, la famille de Georges Vilar, un mécanicien d’origine espagnole.
La société Renault a acheté la propriété le 1er août 1930 aux héritiers Aussillous. Louis Renault n’a pas détruit la villa. Les familles Dejean et Vilar en sont restées locataires, au moins jusqu’en 1936.
La villa est encore visible sur le cadastre et les photos aériennes de 1932 et 1936, sa toiture caractéristique, avec ses deux décrochements, ne laisse aucun doute. C’est la dernière photographie connue. Sa situation n’a rien de très enviable, elle est environnée de bâtiments industriels et le « jardin rempli de rosiers » n’est probablement plus qu’un souvenir.
Sous les bombardements alliés de 1943
La guerre éclate. Un courrier daté de janvier 1943, conservé chez Renault Histoire, nous apprend que le 185 a été mis à la disposition d’un certain Guy Rappy, à titre gracieux, pour servir de centre d’accueil au « Groupement des Jeunes Gens de Boulogne-Billancourt ». Ils n’en ont profité que trois mois.
En effet, le 4 avril 1943, 88 bombardiers américains de la 8ème Air Force ont déversé 250 tonnes de bombes sur Billancourt en pleine journée. La cible était, bien sûr, l’usine Renault, passée sous commandement allemand, mais la villa a été touchée. On ne sait pas s’il y a eu des victimes dans les maisons jumelles.
Un courrier Renault du 7 juin informait l’ingénieur des Ponts et Chaussées que « les travaux de déblaiement […] ont été terminés le 31 mai 1943 ». L’auteur ajoutait « Nous estimons que ces immeubles doivent être totalement arasés, leur état à la suite du bombardement ne justifiant pas les dépenses de réparations que l’on serait amenées à engager ».
La villa Toucy du jeune Hector Guimard disparaissait. Après quelques années, un atelier Renault a pris sa place.
Un palais omnisports ?
En 2014, on a détruit, sur cet ilot V nord, le grand parking Renault de quatre étages qui s’y trouvait. En 2023, le terrain est toujours en friche.
La municipalité envisage la construction sur ce terrain de 7 000 m² d’une grande salle omnisports de 5 000 places pour 70 millions d’euros. Il hébergerait l’équipe de basket des Métropolitains 92. Le projet rencontre une forte opposition et des recours sont lancés. Les contre-projets ne manquent pas : halle de la gastronomie, parc ou mini-forêt urbaine. À suivre.
Alexis Monnerot-Dumaine
Notes
[1] Hector Guimard, Georges Vigne, Felipe Ferré, éditions Charles Moreau, Ferré-Éditions, Paris, 2003.
[2] Guimard perdu, histoire d’une méprise, Jean-Pierre Lyonnet, Bruno Dupont, Laurent Sully Jaulmes, éditions Alternatives, Paris, 2003.
[3] Cf. note 2.
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