Notre association avait été invitée, le 13 octobre 2017, à participer à une journée d’études autour d’Hector Guimard organisée par le musée des Arts Décoratifs, afin de faire le point sur la recherche actuelle.
Cette journée était à l’initiative de Mme Evelyne Possémé, conservatrice en chef du département Art nouveau et de M. Philippe Thiébaut, conservateur général honoraire du patrimoine.
La maison de vente aux enchères Million organise une vacation entièrement consacrée à l’Art nouveau à l’Hôtel Drouot, salle 14, le jeudi 7 décembre.
Parmi les 152 lots, 12 sont attribués à Hector Guimard et comprennent surtout des éléments de quincaillerie et des fontes ornementales.
Notre attention a été attirée par les lots 136 et 137 dont l’attribution ou la notice nous semblaient problématiques. Elles ont, depuis, été revues (voir addenda en fin d’article).
Le lot 136 est une suite de 10 chiffres en fontes destinés à la numérotation des maisons, estimée à 5-6000 €. Facilement reconnaissables par leur aspect de surface, ils sont identiques à ceux que nous vendons au prix de 30 euros pièce. Tous proviennent de l’important lot réédité à partir de la fin des années 80 par la fonderie de Saint-Dizier, par surmoulage de tirages anciens (les contre-modèles d’origine ayant été vendus en 1971 à la Fondation De Menil à Houston.) Le chiffre 4 qui — faute de tirage ancien — avait été recréé de façon un peu malhabile par la fonderie, est encore plus reconnaissable. Toutes les informations concernant ces chiffres sont regroupées dans notre article :
Chiffres Guimard en fonte : tirages anciens ou modernes ?
Le lot 137 est un modèle d’horloge boulangère (c’est à dire suspendue par une chaîne). L’exemplaire proposé par Millon est déjà passé en vente à l’Hôtel Drouot chez Ader le 25 mai 2012 (lot n° 207) avec la qualification “d’après Guimard”. Elle porte l’inscription “G. Cuspinera/Barcelona” qui était un important bijoutier-horloger de la capitale catalane.
La maison Millon avait vendu des modèles identiques (l’inscription mise à part) à plusieurs reprises : le 23 mars 2005 à l’Hôtel Drouot, salle 1 ; le 23 mars 2011 à l’Hôtel Drouot (lot n° 206) ; le 24 avril 2013 à l’Hôtel Drouot, salle 7 ; revendue le 7 octobre 2013 à l’Hôtel Drouot, salle 1, en les attribuant à chaque fois à Hector Guimard.
Grâce à des recherches qui se sont étendues sur plusieurs années nous avons pu faire un point complet sur les deux modèles (le petit et le grand) de ces horloges boulangères qui étaient couramment attribuées à Guimard et dont nous savons à présent qu’elles étaient fabriquée par l’horloger Farcot à Paris. Toutes ces informations sont disponibles dans notre article :
Ceci n’est pas un Guimard : horloges boulangères
Les chiffres Guimard devraient être clairement signalés comme étant des tirages modernes obtenus par surmoulage de tirages anciens. Quant à l’horloge Farcot, elle ne devrait pas être attribuée à Guimard, ni “d’après Guimard”, ni “dans le goût de Guimard” mais comme une “horloge Farcot de style Art nouveau”.
Addenda du 7 décembre 2107
Lors de la vacation, les chiffres ont été oralement qualifiés de « rééditions ». Mis à prix à 3000 €, leur prix d’adjudication est monté à 4000 € + 30% de frais = 5200 €.
Quant à l’horloge boulangère, elle a été oralement signalée comme « modèle Art nouveau » et non plus comme une œuvre de Guimard. Mise à prix à 4000 €, elle n’a pas trouvé d’enchérisseur.
Addenda du 14 décembre 2107
L’horloge boulangère a finalement été vendue, après la vente aux enchères, pour 6500 €.
F.D.
Ouverture exceptionnelle de 9h (au lieu de 10h) à 18h le samedi 9 décembre.
Au mitan de son parcours professionnel, artiste prolixe et novateur, Hector Guimard décidait, en 1903, de se doter d’un lieu de conception et de fabrication dans tous les domaines des arts décoratifs. Ces locaux, situés avenue Perrichont prolongée, ont permis à cet « architecte d’art » de présenter meubles, luminaires, papiers peints, tapis, couverts de table… autant de créations qu’il entendait diffuser en grand nombre.
Détruits pendant la décennie soixante, ces ateliers reprennent vie dans l’exposition « Hector Guimard, précurseur du design » à travers une maquette, des documents et des photos anciennes.
Fort de ses récentes recherches, le Cercle Guimard dresse le panorama méconnu des ambitions de cet architecte de la modernité, en puisant également dans les archives léguées en 1948 par Adeline Oppenheim, veuve d’Hector Guimard, à la bibliothèque des Arts décoratifs et dans des collections privées.
Pour donner plus d’ampleur à cet hommage commémoratif, en cette année du cent-cinquantenaire de la naissance d’Hector Guimard, l’exposition est présentée à l’hôtel Mezzara, qui offre l’occasion unique d’admirer une œuvre d’art total de « Style Guimard » (cf. photos ci-dessous), en particulier son grand hall coiffé d’un étonnant vitrail zénithal, et sa salle à manger une des rares pièces toujours meublée et décorée comme à l’origine.
Exposition « Hector Guimard, précurseur du design »
Hôtel Mezzara, 60, rue Jean de La Fontaine, Paris 16e.
Tous les week-ends, du 16 septembre jusqu’au 9 décembre,
de 10 à 18 heures.
Sans réservation.
Entrée : 5 euros
Gratuit : adhérents, étudiants et – de 18 ans.
Accès :
Métro jasmin (ligne 9) et église d’Auteuil (ligne 10)
RER C – Station Javel ou Maison de la Radio (12 minutes à pieds)
Lignes de bus ligne 52 (arrêt George Sand), 22, 72
Renseignements : 07 69 89 87 69
Avec le soutien de :
France Domaine, Ministère de l’Education nationale, Lycée d’état Jean Zay, Mairie de Paris, Mairie du 16ème arrondissement, Archives nationales, Archives de la ville de Paris, Musée et bibliothèque des Arts décoratifs, Musée d’Orsay, Musée de Saint-Dizier, Musée Horta, Réseau Art nouveau Network (Bruxelles), Route européenne de l’Art nouveau (Barcelone), Dartagnans et ses donateurs, Scyna 4.
Les prochaines visites auront lieu en mars.
N’hésitez pas à vous inscrire à notre mailing-list ou à consulter nos réseaux sociaux pour être informé(e).
Notre association a été invitée à participer à la « Journée Guimard » organisée par le musée des Arts Décoratifs, à l’initiative de Mme Evelyne Possémé, conservatrice en chef du département Art nouveau, qui nous fait l’honneur d’être devenue adhérente depuis cette année et de M. Philippe Thiébaut, conservateur général honoraire du patrimoine.
L’engouement suscité par l’annonce de la journée sur le site du musée avait suscité plus de 200 demandes d’inscriptions, bien trop nombreuses pour les 80 places de l’auditorium du musée où les interventions se sont déroulées toute la journée. Elles ont été enregistrées par vidéo et seront prochainement mises en ligne. Nous en avertirons nos abonnés aux alertes (newsletter) de notre site et leur donnerons le lien internet qui leur permettra de les revivre.
Après une introduction de M. Philippe Thiébaut, qui évoquait le colloque qui s’est tenu en 1992 au musée d’Orsay, notre ami M. Alain Blondel a ouvert la séance en faisant le récit à la fois précis et émouvant de sa redécouverte d’un architecte qui n’intéressait alors plus personne.
M. Philippe Thiébaut a fait le point de façon complète sur ce que l’on sait du séjour qu’a effectué en France Adeline Oppenheim-Guimard en 1948, six ans après le décès de son époux à New-York et de manière plus générale sur les répartitions d’objets et de documents qu’elle a généreusement opérées au profit de musées français et américains.
Mme Laure Haberschill, bibliothécaire à la bibliothèque des Arts Décoratifs a approfondi les conditions de l’un de ces dons d’Adeline Oppenheim, en l’occurrence celui d’un important portefeuille de documents, récemment remis au jour.
M. Jérémie Cerman, maître de conférences à l’Université Paris-Sorbonne et auteur d’un ouvrage de référence sur les papiers peints art nouveau, a pu montrer à quel point ce domaine artistique avait intéressé Guimard et a cerné ses créations, majoritairement effectuées de l’époque du Castel Béranger à l’exposition de l’Habitation en 1903.
L’après-midi, Mme Evelyne Possémé a détaillé chaque objet Guimard entré dans les collections du musée des Arts Décoratifs, le plus souvent par don. Étonnamment, Adeline Oppenheim n’ayant pas contacté le musée lors de son passage à Paris, n’a pu donner par la suite qu’une horloge de parquet.
Notre ami et adhérent M. Georges Vigne, conservateur en chef honoraire du Patrimoine, a retracé l’histoire d’un curieux projet d’aménagement d’une station thermale à Enghien en 1926 dans lequel Guimard a probablement été impliqué à un degré qu’il est encore difficile de préciser mais qui montre qu’à cette époque, il est encore une figure largement en vue.
M. Frédéric Descouturelle, doctorant en histoire de l’art et trésorier du Cercle Guimard, s’est attaché à montrer qu’au sein du flux ininterrompu de la création de motifs décoratifs par Guimard, on peut repérer d’assez nombreuses reprises, transformations et combinaisons de motifs. Associées à de fréquents détournements d’utilisation des modèles créés, ces réutilisations ont participé à une politique d’économie tous azimuts, menée par Guimard, tout autant qu’elles témoignent de son caractère à la fois astucieux et désinvolte.
Enfin, notre responsable des visites guidées, Mme Agathe Bigand-Marion, historienne de l’architecture, a conclu la journée par une large revue des articles de presse consacrés à Hector Guimard et à son père. Elle a pu ainsi faire apparaître à quel point l’architecte, loin d’être isolé ou en butte à une hostilité de la presse ou de son milieu professionnel, a fait preuve d’une sociabilité exceptionnelle qui l’a mené bien au delà des occupations traditionnelles de sa profession.
Tous les auditeurs de la journée ont été conviés le lendemain même, en trois groupes, à la visite de notre exposition « Hector Guimard précurseur du design » à l’hôtel Mezzara.
Nous remercions vivement Mme Evelyne Possémé et M. Philippe Thiébaut pour leur invitation ainsi que Monsieur M. Sébastien Quéquet, responsable des programmes culturels du musée des Arts décoratifs, pour son organisation et l’efficacité de son aide sur place.
Vous n’êtes pas encore adhérent du Cercle Guimard ? En nous rejoignant aujourd’hui, votre adhésion est valable jusqu’en décembre 2018.
L’adhésion offre des tarifs réduits à nos visites guidées et à notre boutique ou encore la gratuité à notre exposition « Hector Guimard, précurseur du design ». Vous serez de plus conviés à nos événements, parmi lesquels notre Assemblée générale, qui permet chaque année de présenter les résultats de nos recherches… et peut-être les vôtres !
De surcroît, votre soutien permet à notre association de poursuivre ses activités en faveur du patrimoine d’Hector Guimard, en particulier le projet lié à l’avenir de l’Hôtel Mezzara. Fort du succès de l’exposition qui s’y déroule jusqu’au 9 décembre, le Cercle Guimard entend continuer son action pour donner à l’Hôtel Mezzara un rôle à sa mesure. Plus que jamais, votre soutien est donc indispensable !
Le montant annuel de l’adhésion est de :
– 20 euros par personne.
– 30 euros pour les couples.
– 10 euros pour les étudiants et demandeurs d’emploi (sur justificatif ou déclaration sur l’honneur).
– 100 euros pour les membres bienfaiteurs.
> Télécharger le bulletin d’adhésion 2018 (pdf)
Le paiement s’effectue par chèque à l’ordre de : Le Cercle Guimard
Adhésion à adresser au trésorier :
Frédéric Descouturelle
19 rue de la Révolution
93100 Montreuil.
Votre bulletin d’adhésion et votre cotisation peuvent également être remises à l’exposition ou lors de nos visites guidées !
Pour une ré-adhésion, un paiement par virement est possible. Merci dans ce cas d’adresser un email à Frédéric Descouturelle pour signaler votre demande de ré-adhésion.
Prise de contact du Cercle Guimard avec l’équipe du projet de restauration et du projet muséal
Tous les amateurs du mouvement moderniste catalan connaissent la Casa Vicens à Barcelone (carrer de les Carolines), première œuvre significative de l’architecte Antonì Gaudì. Elle a été construite de 1883 à 1885 pour Manuel Vicens Montaner, un agent de bourse — et non un industriel en céramique comme on le pensait auparavant —, qui désirait disposer d’une petite maison d’été avec un jardin. Édifiée dans le village de Gràcia, sur les hauteurs de Barcelone, elle a depuis été rattrapée par l’urbanisation rapide de l’agglomération.
Vues anciennes de l’état d’origine de la maison. La rue se trouve à droite des images. © Arxiu Fotogràfic Centre Excursionista de Catalunya.
L’étroitesse de la rue ne permet que difficilement d’apprécier l’architecture de la maison, mais sa singularité est immédiatement perçue grâce à la vive coloration des briques et à l’emploi de carrelages muraux contrastant avec la pierre ocre en opus incertum. Pour cette première œuvre réalisée en solo, Gaudì a adopté le style néo-mudéjar (néo-mauresque) sans s’y enfermer de façon historicisante, mais au contraire en s’en servant pour développer de nombreuses idées nouvelles. En plus de la maison, on lui doit la construction dans le jardin d’une grande arche dont les réservoirs alimentent une chute d’eau en rideau. La présence sur place d’un palmier va lui inspirer le motif de grille en fonte qui orne le portail.
Grille de clôture de la Casa Vicens, coté extérieur. Motifs de palmier en fonte sur armature métallique. État avant les restaurations. © Casavicens.org.
Une partie de la grille de clôture de la Casa Vicens, coté intérieur, déplacée au Park Güell. Coll. part.
Utilisés à l’extérieur et à l’intérieur, les carreaux de céramique murale sont décorés d’un motif d’œillet, et sont régulièrement tournés d’un quart de tour.
Terrasse de la Casa Vicens. Carreaux en céramique en damier et au motif d’œillet, après restauration. Coll. part.
À l’intérieur, une profusion de motifs de végétaux et d’oiseaux ornent l’étage noble et les chambres du premier étage. Si, près de dix ans avant l’invention « officielle » de l’Art nouveau à Bruxelles, il n’y a pas encore de fusion entre structure et décor, plusieurs composantes de ce style, naturalisme, orientalisme et extrême-orientalisme sont déjà présentes.
Une chambre du premier étage. Décor du plafond en papier mâché. Décor de la frise en sgraffite au motif de fougères et de roseaux, partie inférieure des murs en stuc, sol en mosaïque et granito. État avant les restaurations. © Casavicens.org.
Les références religieuses très nombreuses dans l’œuvre ultérieure de Gaudì ne s’affichent pas d’emblée sur la Casa Vicens mais peut-être de façon plus discrète par le motif de la passiflore qui orne l’une des chambres ou la coquille Saint-Jacques au plafond de la salle à manger de l’étage noble.
La salle à manger à l’étage noble. Au plafond, coquilles Saint-Jacques et rameaux d’olivier. État avant les restaurations. © Casavicens.org.
Rameaux d’olivier en papier mâché entre les solives du plafond de la salle à manger. État après les restaurations. Coll. part.
Manuel Vicens, sur lequel peu de renseignements sont encore disponibles, ne conserve la maison que jusqu’en 1899. Son nouveau propriétaire, Antoni Jover Puig, sollicite Gaudì pour agrandir la maison en 1925. Mais, absorbé par le chantier de la Sagrada Familia auquel il dévouera la dernière partie de sa vie, Gaudì décline cette demande. C’est son ami l’architecte Joan Baptista Serra de Martínez qui se chargera des travaux en doublant la maison sur sa façade droite et en lui conservant ainsi une réelle unité stylistique.
Vue de la Casa Vicens depuis la rue. La partie gauche est celle construite par Gaudì en 1883-1885. La partie droite est l’extension réalisée par Serra de Martinez en 1925. État avant les restaurations. © Casavicens.org.
Perdant son statut de résidence mono familiale la maison est alors divisée en trois appartements. Serra de Martinez réalisera d’autres travaux comme la construction d’une chapelle privée dans le jardin et la clôture du terrain par une longue grille reprenant de façon presque démesurée le motif au palmier du portail originel.
Ce cliché pris en 1932 montre la propriété au maximum de son développement avec la maison dédoublée au fond, l’arche de la chute d’eau dans le jardin, la chapelle en rotonde (bientôt convertie en établissement thermal) et la grille au motif de feuille de palmier, étendue tout au long de la rue. © Institut Amatller d’Art Hispànic.
Au cours des décennies suivantes plusieurs altérations comme le lotissement d’une grande partie du jardin, entraînant la perte de la chute d’eau et de l’ancienne chapelle, ont modifié sa perception.
Restée en mains privées pendant 130 ans, classée monument historique dès 1969, la Casa Vicens offrait parfois aux touristes la possibilité d’entrer dans la propriété pour admirer les extérieurs, mais très peu d’amateurs avaient eu le privilège de pénétrer dans la maison. En 1990, quelques restaurations des intérieurs ont été menées, sans pouvoir toujours retrouver les états d’origine. Classée au Patrimoine Mondial de l’Unesco en 2005, la maison a finalement été acquise par le groupe bancaire Morabanc en 2014 qui a décidé de lui redonner son éclat originel et de mener conjointement un projet muséal. Les travaux en cours devraient se terminer cet automne avec une ouverture prévue à l’automne 2017.
Le projet prôné par le groupe Morabanc est celui d’un « mécénat durable » qui prévoit un équilibre financier à terme, sans l’urgence et l’intensité commerciale que l’on ressent à la visite de la Casa Batlló ou — dans une moindre mesure — de la Sagrada Familia. C’est dans le vaste sous-sol que sera logé l’activité de librairie alors qu’un espace de restauration sera aménagé en mitoyen au niveau du jardin. Le flux des visiteurs sera régulé par un système de pré-achat des tickets d’entrée sur rendez-vous.
La partie historique de la maison fait donc l’objet de restaurations très soigneuses, conseillées par un groupe multidisciplinaire de spécialistes de Gaudí, composé d’historiens, de restaurateurs et de maîtres-artisans et validées par les instances de conservation du patrimoine. Elles visent à s’approcher le plus possible de l’état d’origine et concernent aussi bien l’extérieur où les carreaux de céramique ont été changés à l’identique, que les décors intérieurs où des analyses stratigraphiques ont permis de retrouver les colorations intenses voulues par Gaudì.
Le fumoir. État avant restauration : les alvéoles du plafond en papier mâché avaient été repeintes en doré. © Casavicens.org.
En revanche, le fait que la partie droite de la maison ne doit rien à Gaudì et n’a jamais possédé d’aménagements remarquables offrait la possibilité de la modifier intérieurement pour accueillir un espace muséal dédié à l’histoire de la maison mais aussi à un concept très intéressant dans ce cas particulier : la première réalisation significative d’architectes contemporains. Pour Hector Guimard, c’est l’hôtel Jassedé (1893) qui a été sélectionné.
Le choix de cette construction de Guimard est tout à fait judicieux dans la mesure où il s’agit d’un chantier assez similaire à celui de la Casa Vicens : une maison mono familiale située en périphérie d’une grande agglomération, mitoyenne sur un côté, dotée d’une façade sur rue et pourvue d’un jardin. D’autres similitudes se remarquent d’emblée : la présence des céramiques murales qui renforcent la polychromie des façades et une ferronnerie inventive obtenue par transformation de produits industriels. Même le simple grillage est utilisé par les deux architectes alors qu’il est habituellement méprisé par leurs contemporains.
Garde-corps en fonte au niveau des chéneaux de l’immeuble Louis Jassedé, 120 avenue de Versailles. Hector Guimard, 1903. Coll. part.
Balustrade garnie de grillage de l’escalier de l’immeuble Louis Jassedé, 120 avenue de Versailles. Hector Guimard, 1903. Coll. part.
Garde-corps en grillage dans le patio de la Casa Batlló. Antonì Gaudì, 1904-1906. Coll. part.
Dans les cas de la Casa Vicens et de l’hôtel Jassedé, l’appartenance du client à la moyenne bourgeoisie oblige les architectes à recourir à des matériaux économiques de substitution comme le staff, le sgraffite ou la céramique, préférés à des matériaux plus coûteux comme le marbre ou la pierre. Pour la Casa Vicens, Gaudì a placé des décors en papier mâché peints aux plafonds de l’étage noble. Pour ce faire il a fourni des modèles personnels au fabricant Hermenegild Miralles — en 1901, Gaudì construira le portail de la propriété Miralles dans la banlieue de Barcelone, non loin des écuries Güell, toujours visible aujourd’hui —, qui développait alors ce nouveau matériau décoratif à Barcelone. Cette démarche préfigure celle de Guimard, toujours à la recherche de matériaux économiques, anciens comme la fonte ou nouveaux comme le fibrocortchoïna, la pierre de verre Garchey ou le lincrusta Walton, tous aptes à recevoir l’empreinte du « Style Guimard » et dont les produits pourront être ensuite commercialisés. Enfin, ces deux maisons témoignent chacune, à dix ans de distance, de l’impatience de deux architectes utilisant encore un vocabulaire architectural historique — pour l’un le style néo-mudéjar, pour l’autre le style néo-gothique — tout en le dépassant, alors que leur style personnel est sur le point d’éclore.
Le Cercle Guimard a été sollicité il y a plusieurs mois pour fournir des documents anciens ainsi que des photographies actuelles afin de réaliser une maquette de l’hôtel Jassedé qui sera exposée dans l’espace muséal. Nous avons très volontiers répondu à cette demande et noué une relation cordiale avec l’équipe s’occupant du projet barcelonais. Les congés d’été ont été l’occasion d’une visite sur place où nous avons été très aimablement et longuement reçus par Mercedes Mora et Joan Abellà qui nous ont détaillé leur projet et se sont informés sur nos activités parisiennes.
F. D.
La collection « pour les nuls » a certes des côtés urticants, mais il faut reconnaître qu’elle sait attirer les « bons » auteurs. Ces nouveaux Que sais-je ?, beaucoup moins académiques et plus ludiques que leurs ancêtres, couvrent un champ de connaissances toujours plus vaste et si l’on accepte l’absence d’illustrations et l’utilisation des recettes d’« éditing » chères à l’édition contemporaine, on peut se sentir tout à la fois attiré par leur prix modique et saisi de respect par leur considérable tirage. La parution de ce volume consacré à l’histoire du métro de Paris, dont l’auteur principal est notre ami et adhérent André Mignard, nous donne l’occasion de faire un tour d’horizon des publications sur ce sujet dont l’intérêt, au vu du nombre d’ouvrages qu’il a suscité, reste vif. Et plutôt que de le décrire dans le détail, nous préférerons dans cet article en rendre compte sous l’angle de la participation de Guimard au métro parisien.
L’histoire et la description du métro parisien ne sont donc pas des nouveautés puisque dès 1901, soit un an à peine après l’ouverture de la première ligne, Albin Dumas publie Le Chemin de fer métropolitain de Paris. Il est suivi de près par Jules Hervieu qui écrit Le Chemin de fer métropolitain municipal de Paris en 1903 et 1908 et par Louis Biette avec Le Métropolitain de Paris en 1906. Bien plus tard, Roger-Henri Guerrand, adoptant un point de vue sociologique, écrira Mémoires du métro, publié en 1961 aux éditions La Table ronde, ouvrage qu’il réécrira et rééditera plusieurs fois. Plus technique, Notre métro de Jean Robert, publié en 1968 aux éditions Omnes & Cie, restera longtemps un ouvrage de référence et sera réédité aux éditions Jean Robert en 1983. Il faut attendre les plus récents Fulgence Bienvenüe et la construction du métropolitain de Paris de Claude Berton et Alexandre Ossadzow aux Presses des Ponts en 1998, De Bienvenüe à Météor, un siècle de métro en 14 lignes, de Jean Tricoire aux éditions de La Vie du rail en 1999, Le Métro de Paris de Julian Pepinster chez le même éditeur en 2010 et La Grande Histoire du métro parisien de Clive Lamming aux éditions Atlas en 2011, pour bénéficier d’ouvrages généralistes complets et actualisés sur le sujet. [1]
L’intervention de Guimard — qui nous intéresse plus ici — est diversement traitée au fil des décennies. Si en 1901, Dumas dévoile déjà un certain nombre d’illustrations des ouvrages Guimard en cours d’installation, il ne les commente pas, laissant ce soin à la presse spécialisée. Dans les années soixante, le livre de Roger-Henri Guerrand et ses avatars se situent en pleine redécouverte enthousiaste de l’Art nouveau dont Guerrand sera l’un des protagonistes. Plus polémistes que scientifiques, ses textes vont certes mettre en lumière le nom de Guimard, mais être aussi à l’origine d’un certain nombre de légendes ou d’affirmations abusives que nous continuons à voir resurgir de temps à autres. Elles sont par exemple reprises dans La Grande Histoire du métro parisien de Clive Lamming en 2011, mais aussi de façon plus surprenante sur les cartels de la salle Guimard du Musée des beaux-arts de Lyon. Les études universitaires, les catalogues d’expositions muséales et les livres consacrés à Guimard en reprendront aussi un certain nombre, avant que la tendance ne s’inverse avec la parution du Métropolitain de Guimard aux éditions Somogy en 2004 puis de Guimard, l’Art nouveau du Métro aux éditions de La Vie du rail en 2012, écrits en collaboration avec André Mignard, deux ouvrages qui ont donné un socle cohérent à l’histoire et à la signification de l’œuvre de Guimard pour le métro.
Depuis longtemps, plus aucun auteur, de crainte de passer pour un béotien, ne se risquerait à critiquer ouvertement les créations de Guimard. Que l’on se sente ou non attiré par son style, l’approbation est devenue générale. Mais la compréhension n’est pas pour autant toujours au rendez-vous. C’est l’impression que laisse l’ouvrage Paris Métro, histoire et design de Sibyl Canac et Bruno Cabanis aux éditions Massin en 2014, où les inexactitudes, les imprécisions et les contresens fourmillent. Tout aussi irritant est l’emploi récurrent des termes « libellules », « pagodes chinoises » et autres « brins de muguet » pour décrire les accès de métro de Guimard. Ces formules toutes faites, raccourcis culturels suggestifs, parfois poétiques ou parfois malveillants, ont fait mouche à une époque. Mais elles devraient être définitivement signalées comme des trouvailles spirituelles et non être utilisées comme des outils de description en raison de leur pouvoir par trop réducteur.
Si L’histoire du métro parisien pour les nuls est bien un ouvrage généraliste sur le métro, il consacre plusieurs passages aux accès créés par Guimard sans jamais tomber dans les travers signalés plus haut. En reprenant partiellement des passages du Guimard, l’Art nouveau du Métro, le texte ne s’écarte pas du sillon tracé. Au contraire — et c’est là son intérêt véritable — il le renforce en explicitant finement les mécanismes de décision et de fonctionnement au sein des administrations municipales et préfectorales. André Mignard qui avait pu accéder pleinement aux archives de la RATP, a consacré de nombreuses heures de recherches en bibliothèque pour étudier les délibérations de la Commission municipale du métropolitain. Ce sont ces actes qui donnent les clés de la démarche de la municipalité parisienne, bien décidée à construire et à financer par elle-même son propre métro, au service de ses administrés (et parfois au détriment des banlieusards et des provinciaux). Loin de négliger, comme il est souvent fait, l’aspect financier de l’opération, l’auteur détaille avec précision les montages financiers du début, ainsi que les subtilités des différentes conventions passées entre la Ville et ses concessionnaires (CMP, Nord-Sud, puis RATP). Grâce à cette démarche rigoureuse, il confirme au passage plusieurs faits concernant Guimard et le métro que nous rappelons ici pour la forme :
Au fil des nombreux chapitres, eux-mêmes entrelardés d’encadrés précisant un point particulier ou même une anecdote, de nouvelles informations se font jour. On apprend par exemple que si la convention passée avec la compagnie du Nord-Sud fin 1904 prévoit de façon expresse la mise en place d’ascenseurs, c’est certainement parce que la CMP n’avait pas eu dans sa convention de 1898 l’obligation stricte d’en équiper certaines stations. C’est ainsi que le pavillon des voyageurs de la station Étoile, pourtant conçu pour recevoir de tels ascenseurs n’en comportera jamais, la CMP se refusant constamment à en faire la dépense. Ce pavillon de Guimard, ainsi privé de véritable fonction, prêtera d’autant plus facilement le flanc aux critiques de ceux qui veulent l’abattre dès 1904. Il sera finalement détruit en 1926.
Nous recommandons donc vivement la lecture de cet excellent petit ouvrage et nous espérons que sa forte diffusion contribuera à ancrer les informations exactes qu’il contient dans l’esprit du grand public et des médias.
F. D.
[1] Mentionnons aussi l’existence de plusieurs petits ou gros ouvrages plus anecdotiques ou plus spécialisés comme le catalogue de l’exposition Métro-Cité, écrit en collaboration aux éditions Paris-Musées en 1997, Le Patrimoine de la RATP, écrit en collaboration aux éditions Flohic en 1998 ; Le Métro de Paris, 1899-1911 : images de la construction aux éditions Paris-Musées en 1999 ; Paris Métro-Rétro de Gérard Roland aux éditions Bonneton en 2001, Métro insolite de Clive Lamming aux éditions Parigramme en 2002 ; une première compilation de cartes postales anciennes Le Métro de Paris, les premières lignes de Jean-Pierre Rigouard aux éditions Alan Sutton en 2002, suivi de Le Métro de Paris, les lignes complémentaires du même auteur aux mêmes éditions en 2003 ; Stations de métro d’Abbesses à Wagram de Gérard Roland aux éditions Bonneton en 2003 ; Petite histoire du ticket de métro parisien par Grégoire Thonnat aux éditions Télémaque en 2010 ; Les Archives inédites de la RATP de François Siegel aux éditions Michel Lafont en 2011 ; L’Histoire du métro racontée par ses plans par Julian Pepinster et Mark Ovenden aux éditions de La Vie du rail en 2015. Cette liste copieuse est pourtant loin d’être complète.
Vous pouvez recevoir les objets par colis ou vous déplacer au domicile de Frédéric Descouturelle, secrétaire de l'association.
Recevoir les objets par colis
Prix du transport en sus.
Actuellement, seul le règlement par chèque est possible. Les chèques seront à libeller au nom de : « Le Cercle Guimard ».
Merci d'envoyer un message pour passer commande.
Se déplacer au domicile de notre trésorier, à Montreuil (métro Robespierre).
Vous pouvez prendre rendez-vous par courriel pour venir un vendredi après-midi ou un samedi matin. Dans ce cas, le règlement en espèces est possible.
Vous pouvez réaliser un règlement unique comprenant l’achat et la cotisation.