Le répertoire des fontes vient d’être mis à jour. Ce document PDF est téléchargeable dans la rubrique Nos recherches > Dossiers > Fontes – 1ère partie.
Notre intention est de dresser à terme un catalogue le plus complet possible des fontes d’Hector Guimard et surtout d’en examiner les conditions de création, de diffusion et d’utilisation. Cette étude sera elle-même incluse au sein d’une réflexion plus vaste sur l’utilisation par Guimard des matériaux architecturaux.
Dans un premier temps, nous présentons les modèles de fontes produites par trois fonderies : Durenne, Le Val d’Osne et Bigot-Renaux.
Plutôt que de classer chronologiquement les fontes — ce qui pouvait souvent s’avérer délicat — nous avons en effet choisi de les présenter par fonderie, puis par chantier. Cette méthode présente l’avantage de regrouper d’importants ensembles.
Ainsi toutes les fontes conçues pour le Castel Béranger (1895-1898) ont été éditées par Durenne, à l’exception des chéneaux et des tuyaux de descente.
Toutes celles du Métropolitain (1900-1903) ont été confiées par Guimard et la CMP au Val d’Osne, là aussi à l’exception des chéneaux et des tuyaux de descente. Ces derniers éléments sont demandés à la troisième fonderie, Bigot-Renaux, dont il constituent la spécialité et à qui Guimard demandera encore d’autres modèles de chéneaux. À l’exception, peut-être, de quelques modèles reproduits sur le catalogue de Bigot-Renaux, toutes les fontes de ce premier répertoire ont un caractère exclusif, c’est à dire à l’usage des seules constructions de Guimard. Nous ajoutons à ce premier répertoire plusieurs fontes restées, à ce jour, de fondeur inconnu.
Huit annonces parues sur eBay et se terminant simultanément le 18 janvier 2016 mettaient en vente les chiffres Guimard suivants : 0, 1, 3, 4, 6 (en fait le 9 à l’envers), 7, 8 et 9 (en fait le 6 à l’envers). Elles nous donnent l’occasion de revenir sur plusieurs notions et de préciser l’historique de ces chiffres.
Alors qu’on se serait attendu à ce que les enchères ne dépassent pas la vingtaine d’euros pièce, cette vente a donné lieu à un emballement dont le vendeur a peut être été le premier surpris. En effet, les prix se sont échelonnés de 110 € pour le chiffre 1 à 402 € pour le chiffre 8. Il ne faut pas chercher bien loin la raison d’une telle frénésie dans la surenchère. Dans son texte d’accompagnement, le vendeur assurait que chaque chiffre « provient d’un stock d’une ancienne fonderie champenoise et est donc à la fois ancien et neuf ». Ce mot « ancien » a fait espérer à de nombreux enchérisseurs qu’ils allaient pouvoir acquérir un chiffre Guimard « d’époque », c’est à dire un tirage ancien. Mais qu’est ce réellement qu’un tirage ancien ?
Lorsque Guimard fait éditer à partir de 1908 son corpus de fontes ornementales par la fonderie de Saint-Dizier en Haute-Marne, il inclut dans le catalogue à la planche 35, la série complète des chiffres qui sont destinés à numéroter les maisons dans une rue. Ces chiffres sont complétés par les mentions « bis » et « ter » et peuvent être posés sur des plaques prévues pour 1, 2 ou 3 chiffres. Il nous paraît à peu près certain que dans le cas d’une commande de chiffres sur plaque, la fonderie livrait un tirage monobloc comportant la plaque et les chiffres.
Guimard utilise ces plaques sur la plupart de ses bâtiments construits à partir de 1908 (1). Mais les chiffres pouvaient aussi être fixés directement sur le mur, comme Guimard l’a fait pour ses immeubles du 122 avenue Mozart, du 18 rue Henri Heine et du 36 rue Greuze.
Ces numéros de maison ont sans doute été parmi les premières fontes Guimard a être posées sur des bâtiments d’autres architectes puisque nous connaissons l’existence de la plaque du n° 15 de l’avenue Perrichont, apposée dès 1908 sur un immeuble de Joachim Richard, presqu’en face des ateliers Guimard. Cette proximité nous fait soupçonner qu’il s’agissait là d’un don amical (et publicitaire ?) de Guimard à son confrère et ami, alors même que la commercialisation de ses fontes ornementales venait à peine de débuter.
Cette plaque a d’ailleurs été volée à une date inconnue, puis finalement offerte en 2005 au Musée d’Orsay (2).
D’autres plaques de numéros de maisons commandées à la fonderie en dehors de tout lien personnel avec l’architecte sont bien sûr connues, mais restent relativement rares. À l’instar du succès commercial très relatif des fontes ornementales de Guimard, ses chiffres se sont peu vendus.
Dans l’entre-deux guerres, la fonderie de Saint-Dizier abandonna progressivement la commercialisation des fontes Guimard, ne gardant au sein de son catalogue général que celles qui se vendaient assez bien comme les bancs, les jardinières, certains balcons de croisée et panneaux de porte. Après la Seconde Guerre mondiale, il n’y avait plus du tout de demande pour ce type de fontes et les contre-modèles métalliques de Guimard restèrent inutilisés dans les réserves de la fonderie. Nous nommons donc tirages anciens tous les tirages commerciaux effectués avant cette époque. Il est certain qu’il en subsistait encore, invendus au sein de la fonderie ou chez d’anciens employés, mais leur nombre ne devait pas être considérable.
Ce n’est qu’en 1968 qu’Alain Blondel et Yves Plantin, jeunes pionniers dans la réévaluation de Guimard, firent le voyage à Saint-Dizier où ils découvrirent le fonds de contre-modèles qui dormait dans les réserves de la fonderie et convainquirent le directeur d’alors de le leur céder. Dès 1971, ils en organisèrent une exposition dans leur galerie et à cette occasion publièrent un petit catalogue de 122 numéros, précédé d’un texte de présentation sur le rôle de la fonte dans l’œuvre de Guimard.
À l’issue de l’exposition, la majorité du fonds fut acquis par Mme Dominique de Ménil pour sa fondation à Houston. Ce fonds de contre-modèles fut ensuite l’un des points forts de l’importante exposition Art Nouveau Belgium/France présentée à Houston et à Chicago en 1976 avec 106 numéros.
Très généreusement, en 1981, Mme de Ménil fit don à l’État français de 56 contre-modèles qui furent attribués au Musée d’Orsay. Ce dernier n’étant pas encore ouvert, le Musée national d’Art moderne en exposa quelques-uns dans une salle consacrée à l’Art nouveau. Dès l’ouverture du Musée d’Orsay en 1986, un plus grand nombre de contre-modèles furent exposés dans les escaliers des tours menant aux étages supérieurs. Quant aux contre-modèles de chiffres, qui étaient restés à Houston, ils firent cependant une brève apparition à Paris pour l’exposition consacrée à Guimard au musée d’Orsay en 1992. À cette occasion, le catalogue de l’exposition en donnait en pleine page une photographie de bonne qualité en mêlant 8 contre-modèles de la collection de Ménil (les 0, 1, 2, 3, 4, 6, 7 et 8) à deux tirages anciens (le 5 et le 9) appartenant au musée d’Orsay depuis 1984 (dons de la fonderie de Saint-Dizier en 1984).
À une date qui reste à préciser mais qui doit se situer à la fin des années 1980, la fonderie de Saint-Dizier prit l’initiative de rééditer les chiffres Guimard et de les commercialiser par l’intermédiaire des Fontes d’Art de Dommartin-le-Franc (Haute-Marne). Ils ont été coulés en grande quantité entre 1990 et 1995, au moment de la sortie du timbre postal Guimard. Pour les fabriquer, les contre-modèles anciens n’étant plus disponibles, il a fallu recréer des modèles, ce qui a été fait en utilisant tout simplement des tirages anciens pour les 0, 1, 2, 3, 5, 7, 8 et 9. Ce surmoulage explique une perte de qualité des tirages modernes par rapport aux tirages anciens. Pour le chiffre 4, un tirage ancien n’ayant pu être retrouvé, le modèle a dû être recréé d’après photo, avec un modelage assez médiocre. Pour le chiffre 6, le modèle utilisé était sans doute cassé à son extrémité supérieure, ce qui pourrait expliquer la modification de cette extrémité. La Fonderie de Saint-Dizier a ensuite créé un outillage spécifique en fixant les chiffres sur une plaque-modèle. La prise d’empreinte s’est faite avec du sable chimique ou « à vert ». Le type de fonte et le sable de moulage utilisés, différents de ceux utilisés en 1900, ont donné une surface plus granuleuse à ces tirages modernes qui permet de les différencier assez facilement des tirages anciens beaucoup plus lisses.
Sur les tirages anciens, les lignes sont plus complexes et plus fines, alors que sur les tirages modernes, elles sont nettement plus grossières et même très différentes à certains endroits. Mais il n’est pas toujours facile de s’en rendre compte lorsqu’ils sont revêtus de plusieurs couches de peinture. Cependant, lorsqu’on dispose d’une série de chiffres, le moyen le plus simple de savoir si l’on a à faire à des tirages anciens ou à des tirages modernes est d’observer les chiffres 4 et 6.
Les tirages anciens et modernes du chiffre 4 ont des différences manifestes.
Quant au chiffre 6, on peut voir plus haut sur le catalogue, sur la photographie des contre-modèles de la collection De Ménil à Houston et encore mieux sur une plaque de numéro de maison, que son extrémité supérieure est relevée.
Alors que sur les tirages modernes, cette extrémité est abaissée.
Si l’on se penche sur certaines collections de chiffres, comme celle présentée à Londres en 2000 à l’exposition Art Nouveau 1890-1914 et qui est patinée en bleu, on constate que le chiffre 4 est bien un tirage moderne et que le 6 présente à son extrémité supérieure la caractéristique des tirages modernes. Nous supposons donc que le reste de cette série n’est pas plus ancien.
Le chiffre 4 de la collection du musée de Saint-Dizier est lui aussi un tirage moderne (ainsi que les autres chiffres exposés).
Qu’en est-il des chiffres qui se sont vendus sur eBay en janvier 2016 ? En observant à nouveau le chiffre 4, on se rend compte, là encore, qu’il s’agit d’un tirage moderne et non d’un tirage ancien. Le chiffre 6 est bien également un tirage moderne.
La principale caractéristique de ces chiffres Guimard mis en vente était d’être copieusement rouillés, ce qui leur conférait effectivement un indéniable aspect ancien, mais ne leur donnait pas pour autant un âge supérieur à 25 ans. Ils n’auraient finalement pas dû valoir plus cher que ceux que le Cercle Guimard commercialise, avec la rouille en moins.
Frédéric Descouturelle
Merci à Élisabeth Robert-Dehault, présidente de l’ASPM, ainsi qu’à Virginie Dupuy, conservatrice du musée de Saint-Dizier, pour leur aide.
(1) Et même certains de ceux construit avant, puisque le Castel Béranger (1895-1898) a reçu une plaque aux chiffres 14, l’Hôtel Nozal (1902-1906) une plaque aux chiffres 52, l’immeuble Jassedé du 1 rue Lancret (1903-1905) une plaque au chiffre 1 et la villa d’Eaubonne (vers 1907) une plaque aux chiffres 16.
(2) Nous tenons cette anecdote de Georges Vigne qui en fait part sur son excellent blog Paris 1900 (http://paris1900.blogspot.fr/2008/02/15-avenue-perrichont-16e-arrondissement.html).
Addenda le 27 avril 2023
Un site américain de vente en ligne d’antiquités présente des copies en bronze de chiffres de Guimard. Leur finition est particulièrement médiocre.
Addenda le 15 mars 2024
La maison de ventes Christies New York a proposé dans sa vente en ligne n° 22505 du 28 février au 12 mars 2024, au lot n° 148, une série de chiffres Guimard bleutée (photo ci-dessous). Il s’agissait vraisemblablement de celle qui a fait partie de l’exposition Art nouveau 1890-1914 qui s’est tenue en 2000 à Londres au Victoria et Albert museum. Comme nous le signalons plus haut, ces chiffres sont des copies modernes. L’estimation était de 3 000 à 5 000 $. Nous avons averti le 2 mars la responsable de la vente qu’il ne s’agissait pas de chiffres anciens. Elle nous répondu très aimablement le 4 mars et a retiré le lot de la vente.
Colloque International La Fonte d’art française en France et dans le monde, les chemins de la diffusion
Saint-Dizier, les 25 et 26 septembre 2104.
Un très beau colloque, organisé par l’ASPM*, la ville de Saint-Dizier et le Conseil général de la Haute-Marne s’est tenu en septembre 2014. Dix-huit orateurs et oratrices se sont succédés, présentés par François Chaslin dont on connaît l’intérêt qu’il porte au matériau fonte. Une bonne part des communications étaient dues à des chercheurs étrangers, principalement venus d’Amérique du Sud où s’est faite une forte diffusion de la fonte d’art française au XIXe et au XXe siècle. Depuis qu’elle existe, l’ASPM a considérablement contribué à faire redécouvrir l’importance du patrimoine artistique et industriel engendré par l’industrie de la fonte dans les régions Champagne-Ardenne et Lorraine, mais aussi dans le reste de la France.
Placé sous la présidence de Denis Woronoff, le colloque avait pour objectif de mieux cerner les circuits commerciaux et relationnels impliqués par la diffusion des produits des fonderies. Le déroulement de ces deux journées, organisées de main de maître par Elisabeth Robert-Dehault et Dominique Perchet, était entrecoupé par la visite de l’exposition « 1814-2014, généalogie d’un territoire métallurgique », la visite du musée de Saint-Dizier qui vient de rouvrir et qui comporte une salle dédiée aux fontes de Guimard ; ainsi qu’une excursion à Sommevoire où se trouve la fonderie GHM qui continue de produire à la demande les pièces de fonte nécessaires aux restaurations des entrées du métro de Paris de Guimard et à Dommartin-le-Franc pour la visite de Métallurgic Park (centre d’interprétation de la métallurgie ancienne et contemporaine autour du haut-fourneau de 1834) qui expose aussi quelques pièces de Guimard.
Notre association Le Cercle Guimard était représentée par une communication de Frédéric Descouturelle sur la diffusion des fontes de Guimard produites à Saint-Dizier, s’attachant à montrer l’évolution des catalogues et ce que l’on pouvait connaître de la diffusion réelle de ces fontes d’ornement en dehors des propres œuvres de Guimard. Des contacts ont été noués sur place et déboucheront sans doute sur des collaborations fructueuses.
* Association pour la Sauvegarde et la Promotion du Patrimoine Métallurgique Haut-Marnais. L’association édite la revue Fontes (94 numéros parus) ; site : http://www.fontesdart.org
Exposition du 2 avril au 17 août 2014
Sous-titrée La Ville spectacle, l’exposition du Petit Palais tente — et réussit — de donner une vision complète des images fixes et mouvantes que renvoie la capitale parisienne au monde entier, au moment de l’Exposition Universelle de 1900 et pendant les quelques années qui la suivent. Comme il s’agit d’une vision globale de Paris, les œuvres présentées ne sont pas (ou peu) hiérarchisées mais présentées dans des sections à thèmes, repris en chapitres dans le catalogue : Paris, vitrine du monde (l’Exposition Universelle), Paris Art nouveau, Paris capitale des arts, Le mythe de la Parisienne, Paris la nuit, Paris en scène. La mise en scène de l’exposition est réussie, fluide, bien éclairée et propose de nombreux cartels explicatifs.
La salle à manger de l’Hôtel Guimard qu’expose par ailleurs le Petit Palais dans ses collections permanentes n’a pas été intégrée à l’exposition. C’est fort dommage car cela aurait pu être l’occasion de lui redonner une disposition plus conforme au plan ovalaire originel. Sans doute y a-t-il un réel problème de fragilité de ses éléments qui empêche son déplacement. C’est en tout cas la raison qui avait été invoquée en 1992 pour motiver le refus de son prêt à l’exposition Guimard du Musée d’Orsay.
Hector Guimard est tout de même présent dans les deux premières sections de l’exposition avec quelques objets qui donnent un bon aperçu de la diversité de ses talents. Nous profitons de ce compte-rendu pour donner quelques informations ou hypothèses supplémentaires et corriger quelques erreurs les concernant.
Le portique d’un entourage découvert à écussons du métro a été prêté par la RATP. Cette dernière a malheureusement négligé de prêter aussi une enseigne en lave émaillée du modèle correct pour ce type de portique (correspondant à une trémie de largeur standard de trois mètres). Il faut se contenter d’une plaque de tôle émaillée au seul recto avec un lettrage « METROPOLITAIN » qui était en fait destiné aux édicules B ou aux stations Tuileries et Concorde.
Le site de la RATP, qui rend compte de l’exposition Paris 1900, s’avance par ailleurs à écrire que le nombre d’accès Guimard construits était de 141. Depuis 2003, date de publication du premier des deux ouvrages consacrés à Guimard et au métro (d’ailleurs soutenus par la RATP), on sait que ce chiffre est de 167. Il serait souhaitable que le service de communication de la RATP actualise un jour ses sources.
Le tirage d’un cliché ancien de la station de métro Palais Royal par Etienne et Louis-Antonin Neurdein (collection Roger-Viollet) est daté 1900. Si cette station ouvre effectivement en juillet 1900 pour l’inauguration du métro pendant l’Exposition Universelle, seule la balustrade en fonte est alors en place. Son portique provisoire en bois ne sera remplacé par le portique Guimard qu’au cours de l’été 1901. De plus, les enseignes « METROPOLITAIN » en lave émaillée ne seront posées que pendant le second semestre de 1901. La photo exposée qui semble avoir été prise en été, ne saurait donc être antérieure à cette date.
Cette première vue est complétée dans le catalogue par un tirage photographique de l’entourage à écussons de la station Anvers, d’Albert Harlingue. Son cliché, daté 1909 dans la collection Roger-Viollet, montre le fond arrondi de l’entourage, pourvu de son porte-plan et de sa lanterne. Or ce modèle de porte-plan n’ayant été approuvé par le conseil municipal que le 31 décembre 1912 n’a été déployé qu’après cette date sur tous les entourages Guimard. Il est donc vraisemblable que cette photographie soit au plus tôt de 1913. Elle montre également des détails qui nous avaient échappés jusqu’ici, notamment la forme et la couleur des premières plaques en tôle émaillée portant le nom des stations (cf. l’actualisation de l’article sur les “cornichons” dans la rubrique Ceci n’est pas un Guimard).
Le commentaire du catalogue à propos du métro de Guimard est un progrès partiel par rapport à ce que l’on peut habituellement trouver à ce sujet. Si l’on échappe à l’habituelle fable du choix de Guimard par le banquier Adrien Bénard (Président de la CMP pour lequel Alexandre Charpentier conçoit une salle à manger Art nouveau vers 1900), on apprend avec surprise que Guimard a été primé en 1900 pour le Castel Béranger (en réalité en 1899) ; que les entrées sont « agrémentées de réverbères » (en réalité de candélabres) ; que les accès Guimard sont controversés dès l’origine (ils sont en fait bien accueillis au début) et que « la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris, qui ne voulait pas déplaire aux Parisiens met fin dès 1904 à sa collaboration avec Guimard ». Comme on le sait depuis fort longtemps, l’arrêt de cette collaboration a eu lieu en 1903 et essentiellement à la suite d’un conflit financier. Enfin, la protection définitive des « rares entrées construites Guimard qui ont échappé à la destruction » (il en reste en fait alors encore près d’une centaine) ne se fait pas en 1965 (date à laquelle un arrêté n’en inscrit que sept à l’Inventaire Supplémentaires de Monuments Historiques) mais bien plus tard, en 1978.
Un album Le Castel Béranger et sa planche de titre dédicacée : « À monsieur Paul Signac / hommage sympathique de l’auteur / Hector Guimard ».
Cet exemplaire, présenté en 1992 à l’exposition Guimard du musée d’Orsay, appartient aux collections de ce musée grâce à un don de Mme Françoise Cachin — qui en fut directrice de 1986 à 1994 —, petite fille de Paul Signac. Le peintre pointilliste a en effet habité le Castel Béranger très tôt, probablement vers la fin de 1897, occupant un appartement et un des ateliers d’artiste situés au dernier niveau, voisin de l’atelier de l’architecte et décorateur Pierre Selmersheim (1869-1941).
Hector Guimard exploita publicitairement le succès de cet ensemble immobilier (14 rue La Fontaine, Paris XVIe) qui fut l’un des six ouvrages primés le 28 mars 1899 au premier concours de façades de la ville de Paris.
Dès le 4 avril 1899, dans les salons du journal Le Figaro, Guimard organise une exposition d’objets et de documents (dont ce fameux album) consacrée presque exclusivement au Castel Béranger sous-titrée : « Compositions dans un style nouveau – architecture, sculpture, décoration, ameublement et objets d’Art » et accompagnée de conférences de l’architecte.
Guimard songea à la publication de cet album bien avant l’achèvement des bâtiments et se réserva sa promotion et l’exclusivité de la diffusion des photographies. Il réussit même à convaincre la Ville de Paris d’acquérir huit exemplaires de l’album pour certaines bibliothèques et écoles municipales.
Un autre exemplaire prestigieux de l’album est conservé au musée Horta de Bruxelles et dédicacé par Hector Guimard : « À l’éminent Maître et ami / Victor Horta, hommage affectueux de son admirateur / Hector Guimard ».
Le Cercle Guimard procède actuellement à une étude approfondie de cet album du Castel Béranger qui recèle beaucoup plus de mystères qu’il ne semble au premier abord. Notre site Internet vous informera du résultat de cette étude.
Un vase des Binelles édité à Sèvres est prêté par la Cité de la céramique de Sèvres-Limoges. Comme chacun de ces deux musées qui ont fusionné en 2010 possède un exemplaire du vase des Binelles, il convient de se pencher sur les détails des cristallisations pour reconnaître qu’il s’agit de l’exemplaire de Sèvres, daté 1903, alors que l’exemplaire du musée Adrien Dubouché de Limoges a été livré en 1905.
Comme l’établit Georges Vigne, on est presque certain que Guimard présente un exemplaire du vase des Binelles à l’Exposition Universelle de 1900, classe 66, sur un stand intitulé « salle de billard (Frag.) ». La photographie qui en est connue est centrée sur un modèle de cheminée (celui de l’agence Guimard ou de la salle à manger du Castel Henriette) en fonte bronzée. On peut voir, sur le coté gauche de cette photo dont nous reproduisons un détail, le vase des Binelles ou plutôt un modèle très proche de celui qui sera édité à Sèvres. Les quelques différences visibles sont entourées en rouge.
Ce modèle présenté en 1900 serait donc antérieur d’au moins trois ans à la commande passée par Sèvres à Guimard le 26 décembre 1902 et pour laquelle il sera payé 1200 F-or. Georges Vigne signale qu’outre les deux tirages conservés aux musées de Sèvres et de Limoges, trois autres tirages sortiront des ateliers de la manufacture de Sèvres (un en 1907 et deux en 1911). Il faut sans doute y ajouter les deux exemplaires de la collection Manoukian, datés 1903 (vendus en 1993 pour 350 000 et 380 000 F). Ces derniers n’ont pas toujours appartenu à ce grand collectionneur puisqu’ils proviennent sans doute de la succession organisée dans les années 50 et 60 suite au décès de deux célèbres pionniers du cinématographe français…
Ces deux exemplaires sont aujourd’hui visibles dans des collections publiques mais il faudra se rendre aux Etats-Unis pour les admirer. L’un se trouve au musée des Beaux-Arts de Cleveland depuis une vingtaine d’années tandis que l’autre est entré récemment dans les collections du Metropolitan Museum de New-York.
Logiquement, on a toujours pensé que la dénomination du vase faisait référence au Castel Henriette, construit par Guimard de 1899 à 1903 à Sèvres, rue des Binelles. Cependant, une hypothèse complémentaire est envisageable. En effet, autour de 1900, il existe un petit atelier de céramique rue des Binelles, tenu par Amalric Walter qui, quelques années plus tard, sera engagé par Daum à Nancy pour développer la technique de la pâte de verre (d’après François Le Tacon et Jean Hurstel, Amalric Walter, maître de la pâte de verre, éditions Serpenoise, 2013).
Un exemplaire du papier peint édité par Le Mardelé provient des collections de la bibliothèque Forney. Il est daté « vers 1900 » bien qu’il s’agisse d’un modèle créé pour le Castel Béranger (avant 1898). Il ne subsiste plus aujourd’hui aucun pan de papier peint original au sein de ses appartements. Seuls la bibliothèque Forney et le musée Cooper-Hewit de New-York possèdent encore des fragments de lés anciens de papiers peints de Guimard dont certains modèles ont pu être utilisés au Castel Béranger. À chaque type de pièces présentes dans chacun des appartements (antichambre, chambre, salle à manger et salon) Guimard attribue un motif de papier. Celui qui est exposé au Petit Palais est dévolu aux chambres.
Mais s’agit-il réellement du modèle posé au Castel Béranger ? La seule source d’information que nous ayons des couleurs des revêtements effectivement posés est celle de l’album du Castel Béranger (1898). Mais ses planches ne sont pas des traductions de la réalité puisqu’il s’agit d’impression par héliogravure de photographies aquarellées dont la sélection des couleurs dépendait donc de l’imprimeur et de Guimard. On sait qu’en de multiples occasions, ce dernier ne s’est pas privé d’apporter aux planches de cet album des modifications et des améliorations de la réalité. Les planches 41 et 42 qui reproduisent ce papier peint destiné aux chambres montrent deux jeux de couleurs, différentes de celles du morceau de lé de la bibliothèque Forney.
Mais dans les deux cas le petit motif circulaire — qui sert de logo à notre association — est bleu alors qu’il apparaît rouge pastel sur le papier peint de la bibliothèque Forney. On se trouve confronté à des constatations similaires pour les autres modèles de papiers peints destinés aux différentes pièces des appartements. Nous développerons plus complètement ce sujet dans l’étude qui sera consacrée à l’album du Castel Béranger.
Cette étude pour la couverture de la Revue d’Art n’est pas la version définitive retenue pour illustrer ce nouvel hebdomadaire artistique regroupant la Revue des Beaux-Arts, le Moniteur des Arts et la Revue Populaire des Beaux-Arts. Pas moins de neuf dessins relatifs à ce projet figurent dans le fonds Guimard à Orsay. Ils témoignent des hésitations de l’architecte dans la recherche d’un motif particulièrement abstrait et tourmenté qui rappelle les choix décoratifs adoptés par Guimard à la fin du XIXe siècle. Cette impression est renforcée par les annotations manuscrites figurant en bas à gauche de l’œuvre « C’est un ornement nouveau mais je veux (vais ?) être plus dans le sentiment »…
La version choisie pour l’exposition réalisée à l’encre de chine est assez proche du dessin définitif rehaussé à l’aquarelle, lui-même quasi identique à la couverture de la Revue d’Art. Notons simplement que l’éditeur ne retiendra pas les couleurs proposées par Guimard et préfèrera s’en tenir à une version monochrome peut-être plus économique mais laissant une impression d’inachevé.
Cette publication hebdomadaire paraissant le samedi connaît une carrière éphémère puisque seuls onze numéros sont édités à partir du 4 novembre 1899. Le premier propose notamment un très bel article sur les meubles modernes signé par Frantz Jourdain et agrémenté de photos inédites dans lequel le travail de Guimard occupe une place centrale. À partir du n° 8, c’est un dessin peu inspiré de Robert Kastor que l’on retrouve en couverture. Ce changement ne lui portera pas chance puisque la Revue d’Art cessera sa publication avec le n° 11 du 13 janvier 1900.
Le modèle original du balcon de croisée GA prêté par le Musée d’Orsay est devenu un « motif de grand balcon » que l’auteur de la notice croit être « le modèle original d’un balcon qui a été réalisé pour l’Hôtel Mezzara, 60 rue La Fontaine ». Les modèles de fontes d’ornement de Guimard n’était pourtant pas destinées à un bâtiment précis mais mis à la disposition des architectes et des entrepreneurs par l’intermédiaire d’un catalogue édité à partir de 1909 (et non 1907) par la fonderie de Saint-Dizier. Le balcon de croisée GA n’a d’ailleurs jamais été utilisé par Guimard et nous pensions même qu’aucun architecte ne s’en était servi avant qu’il ne soit identifié sur plusieurs maisons d’une même rue à Enghien et que l’un d’entre nous ne retrouve un immeuble à Vincennes (d’architecte inconnu et non daté) qui en est entièrement équipé.
Quant à l’Hôtel Mezzara (1910-1911), c’est un grand balcon GA droit qu’il reçoit au balcon du premier étage de la façade sur rue.
Nous recommandons fortement de visiter cette très belle exposition, qui propose une quantité extraordinaire d’images et d’objets dont certains sont rarement vus. Mais ce n’est pas là qu’il faudra chercher à s’informer sur l’Art nouveau ni sur Guimard car, au vu des notices, une petite mise à niveau des connaissances ne serait pas inutile.
Frédéric Descouturelle, Olivier Pons et Dominique Magdelaine
Un nouveau dossier, réalisé par Frédéric Descouturelle, traite des fontes Durenne, Val d’Osne et Bigot-Renaux.
Ce document PDF est téléchargeable dans la rubrique Nos recherches>Dossiers > Fontes – 1ère partie.
Notre webmestre, habitué des petites rues de Saintes en Charente-Maritime et promeneur curieux, a déniché rue Laroche une gentille maison arborant fièrement quelques fontes Guimard.
Datant de 1912, la maison a subi une modification vers 1960. Le propriétaire a transformé l’espace d’entreposage situé sur la partie gauche en salon. Sensible à l’harmonie de la façade, il a installé sur la nouvelle baie créée la rambarde Guimard rallongée pour l’occasion de motifs vaguement dans le goût.
Les modèles utilisés ici figurent dans le catalogue des Fonderies de Saint-Dizier. Les références figurent en légende de chaque photo.
Les Ateliers du Patrimoine de Saintes ont réalisé une plaquette sur la sauvegarde du patrimoine saintais et sur la restauration des façades du centre historique. Les fontes de la porte (que l’on voir sur la photo ci-dessous) y sont représentées en tant qu’exemple d’éléments Art nouveau, mais Guimard n’est pas cité.
Le Cercle Guimard remercie la propriétaire pour son accueil et pour les informations fournies.
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